Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/111

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les altos dominent tout l’orchestre, et à la fin du morceau M. Vincent reçoit les félicitations du chef d’orchestre et de tous les exécutants.

Plaignez-moi. J’ai été obligé d’entendre six ouvertures ainsi exécutées. Vous dire lesquelles, ce me serait bien impossible, je n’en ai pas reconnu une seule, bien qu’on m’ait assuré qu’elles étaient toutes de nos premiers maîtres. À la fin du concert, la tête me bourdonnait, force m’a été de prendre le bras de mon vieil huissier pour retourner chez moi ; je me serais fait écraser ; le bruit des voitures et les cris de gare ! ne parvenaient plus à mon oreille ; j’étais complètement assourdi.

En rentrant chez moi, je suis monté chez mon propriétaire, je lui ai payé ce que je lui devais, j’ai déménagé la nuit, et j’ai fait porter mes meubles hors de Paris.

Au point du jour, je me suis trouvé dans un village, où j’espère que mon vieil huissier ne viendra pas me relancer. J’y ai loué la moitié d’une petite maison occupée par un maître d’école. Mais je prévois que je serai bientôt obligé de transporter mes pénates en d’autres lieux ; car il est dit dans la nouvelle loi sur l’instruction publique, que le chant entre pour quelque chose dans l’éducation élémentaire. Je suis maintenant seul au monde ; le seul ami que j’avais s’est fait amateur de musique sans en savoir une note ; où trouver maintenant une société ? Il y a quelques années qu’un particulier demandait, dans les Petites Affiches, un domestique qui ne sût pas chanter l’air de Robin des