— À demain, lui dit Lully en le reconduisant, nous dînerons ensemble au cabaret du Cerceau-d’Or, puis nous irons voir Armide, et nous reviendrons ici manger le souper que nous accommoderons ensemble.
Le lendemain tous les acteurs de l’Opéra avaient été prévenus qu’on ferait une représentation où le public ne serait pas admis. Lully leur présenta Petit-Pierre comme un grand seigneur italien, grand amateur de musique, et chacun s’inclina devant le cuisinier ; puis Lully et son ami allèrent s’installer au milieu du parterre, et la pièce commença. Petit-Pierre parut enchanté, et Lully, charmé d’être si bien apprécié par son ancien camarade, ne put s’empêcher de s’applaudir lui-même. « Bravo ! bravo ! Lully, criait-il à la fin de chaque morceau, tu n’as jamais rien fait de si beau et tu es un grand homme ! » Les acteurs jouèrent en conscience, et le musicien leur fît de grands compliments, auxquels ils répondirent de leur côté ; ce fut un triomphe de famille, et Lully se retira plus ravi de s’être rendu justice que si toute la cour l’était venue applaudir.
De retour chez lui, il s’enferma dans une chambre avec Petit-Pierre qui avait préparé tous ses ustensiles de cuisine, et le compositeur aida le cusinier dans toutes ses préparations culinaires ; puis ils se mirent tous deux à table, et firent tellement honneur au festin, qu’au bout d’une heure ils étaient complètement gris. Les deux amis pleuraient de tendresse, et s’embrassaient avec une effusion de cœur admirable ; ils se prodiguaient les louanges à l’envi.