Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/166

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elle veut entendre votre Armide le plus tôt possible : voilà ce qu’elle nous a chargés de vous dire.

— Vive le roi ! s’écria Lully. Ah ! messeigneurs, pardonnez-moi ce que j’ai pu dire contre un si grand maître, contre un prince si éclairé : c’est l’état où m’a mis ce vaurien de Petit-Pierre ; il faut absolument que je m’en débarrasse : si quelqu’un de vous veut un excellent cuisinier…

— Je le prends sur ta recommandation, s’écria l’un des courtisans, je fais comme le roi, je m’en rapporte à ton jugement, et je sais que tu te connais aussi bien en cuisine qu’en musique. Mais tu ne te griseras plus avec lui ?

— Oh ! jamais, je vous le jure, répondit Lully.

Puis il ajouta tout bas à Petit-Pierre :

— Quand tu voudras, nous recommencerons, mais chez toi : là au moins on ne viendra pas nous déranger.

La deuxième représentation d’Armide eut un succès prodigieux ; jamais ouvrage de musique n’eut une telle durée, car il fut représenté pendant quatre-vingts ans avec un égal succès ; mais Gluck vint enfin faire une révolution musicale, et le chef-d’œuvre de Lully fut tout à fait oublié. Malgré ses incontestables beautés, l’Armide de Gluck ne se joue plus beaucoup.

Durera-t-elle plus longtemps que celle de Lully ? Nous le saurons dans trente ans.