Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/170

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seurs et le directeur lui-même, accueillis par des huées et des sifflets, n’ont pu parvenir à se faire entendre : c’est alors à notre comédien qu’on a recours : on connaît son influence, on sait combien il est aimé, et l’on ne doute pas que sa médiation ne soit toute-puissante : il se fait d’abord un peu prier, puis enfin il consent à paraître. À son entrée sur le théâtre il salue avec aisance au milieu d’une triple salve d’applaudissements : il ne vient pas prendre la défense de la direction dont il est le premier à reconnaître les torts, il proteste de son profond respect pour le public, ce qui fait toujours le meilleur effet, parce qu’il n’y a pas de goujat dans la salle qui ne soit très-flatté de voir un acteur protester de son respect pour le public dont il est une fraction : puis notre comédien ajoute qu’il ne vient que comme conciliateur, qu’il espère que l’indulgence qu’on lui accorde ordinairement s’étendra sur son camarade ou sur son directeur : bref, la difficulté s’aplanit, et quand il rentre dans la coulisse, il est embrassé, remercié, porté en triomphe, et ce jour-là le directeur est enchanté de l’avoir pour pensionnaire : peu s’en faut qu’il ne lui offre de l’augmentation pour l’année prochaine.

Mais nous voici bien loin des débuts, hâtons-nous d’y revenir.

C’était dans les derniers jours du mois d’avril 1823, qu’un grand jeune homme de vingt à vingt-cinq ans faisait son entrée dans la ville du Havre, escorté d’une jolie petite fille de cinq à six ans. On n’aurait jamais pu croire qu’il fût le père de cette jolie enfant, si elle