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Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/209

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— Il est temps que cela finisse, dit-elle, en s’adressant aux autres convives ; il faut absolument qu’au dessert M. Rameau nous donne l’explication de sa conduite. Voilà une pauvre petite femme qui, si cela continue, deviendra bientôt aussi maigre et aussi sèche que son vaurien de mari, et c’est un scandale qu’il faut empêcher.

Cette harangue fut unanimement approuvée, et chacun s’apprêta à chanter sa gamme à l’hôte dont on allait manger le dîner. Les convives étaient M. Marchand, l’organiste ; M. Dumont, marguillier de Sainte-Croix de la Bretonnerie, que l’on avait eu bien de la peine à décider à venir, tant il était furieux contre son organiste démissionnaire, et M. Bazin, le marchand cirier, qui avait été invité comme principal locataire de la maison, Mme Rameau ayant sagement pensé qu’il serait prudent d’être bien avec lui, quand viendrait le premier terme à échoir.

À une heure un quart, Rameau arriva, il avait la figure radieuse. Il parut d’abord surpris de voir ses amis réunis, il allait en demander l’explication quand sa femme lui présenta un nœud d’épée, et une paire de manchettes brodées de sa main. La mémoire lui revint alors.

— Bonne Louise, dit-il, tu n’oublies rien, toi ; tu sais bien quand c’est ma fête. Ce n’est pas comme moi, je ne peux jamais me souvenir du jour de la tienne, que quand j’entends tirer le canon, parce que c’est aussi celle du roi ; aussi, j’ai toujours oublié de t’avoir quelque chose pour te la souhaiter. Mais sois tran-