par un léger coup de pied sous la table. Malheureusement les longues jambes du maître de la maison tenaient tant de place, que ce fut contre elles que vint échouer l’avertissement destiné à M. Bazin. Rameau fit une grimace terrible en demandant qui s’amusait à lui marbrer ainsi les jambes. Mlle de Lombard rougit jusqu’aux oreilles, craignant qu’on ne soupçonnât sa moralité de cette agacerie, et les convives se regardaient tous dans le blanc des yeux, sans rien comprendre à cet incident, quand le bruit inaccoutumé d’une voiture dans la rue du Chantre détourna toute attention. Cette voiture s’étant arrêtée devant la maison, on entendit bientôt des pas dans l’escalier, la sonnette retentit, et un coureur se précipitant dans la salle à manger, annonça d’une voix retentissante :
— M. de la Poplinière !
En entendant prononcer le nom de M. de la Poplinière, les convives de Rameau se lèvent, se bousculent, et un bon gros petit homme, vêtu d’un habit de velours nacarat garni de brandebourgs d’or, s’avance alors au milieu des convives en désarroi.
— Comment, Monsieur, dit Rameau, vous daignez venir chez moi, et cela sans m’en prévenir ?
— Parbleu, il est joli, celui-là ! répondit le gros petit homme ; pour vous prévenir, il faudrait vous voir, et on ne sait plus ce que vous devenez. Ah çà, qu’est-ce que je viens d’apprendre ? vous voulez donc faire un opéra ? vous avez été demander une audition ce matin à Mlle Petit-Pas. Eh bien ! quand vous mettrez-vous à l’œuvre ? Ah çà, il est bien entendu