Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/231

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avec toute sa famille. Sa figure narquoise contrastait avec les visages, plus conformes à la circonstance, de son frère le comte d’Artois, et de sa nièce la duchesse d’Angoulême, dont l’auguste époux avait, selon l’usage, l’air de ne penser à rien, tandis que son frère le duc de Berry paraissait assez ennuyé de cette cérémonie qui ne plaisait guère à ses habitudes, mais à laquelle son respect pour son oncle le forçait à se prêter. Le roi promenait sur la foule cet œil bleu et perçant, si spirituel et si incisif, donnait force coups de chapeaux, saluait à droite et à gauche, quand les cris de : Vive la famille royale ! vivent les Bourbons ! venaient jusqu’à lui ; enfin il faisait son métier de roi en promenade, de la manière la plus satisfaisante. De temps en temps, pourtant, sa figure prenait une expression sombre qu’il s’efforçait de réprimer à l’instant ; c’est lorsque parmi les gardes royaux au milieu desquels passait le cortège, il apercevait la figure basanée et les longues moustaches d’un de ces vieux grognards qu’on avait incorporés dans la nouvelle milice d’élite. Le bruit du canon, la foule qui se pressait autour d’eux, cet air de fête général, rappelaient à ces vieux soldats des souvenirs qui contrastaient péniblement pour eux avec le présent. Ils se rappelaient leur entrée à Vienne, à Berlin, dans les principales capitales de l’Europe, leur retour triomphant à Paris, ces acclamations qui alors étaient pour eux, ces cris de : Vive la Grande Armée ! vive Napoléon ! qui tant de fois avaient fait battre leurs cœurs, tandis que maintenant leur règne, celui du sabre, était passé ; ils se voyaient réduits à faire es-