Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/242

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Cette ignorance presque complète d’un art où il prétendait s’ériger en réformateur, en censeur et en maître, sera facilement démontrée par l’examen de ses écrits et de ses œuvres.

Rousseau n’apprit la musique que fort tard ; mais, tout jeune enfant, il était déjà sensible à ses accents. Une de ses tantes lui chantait des chansons populaires :

« Je suis persuadé, dit-il dans ses Confessions, que je lui dois le goût ou plutôt la passion pour la musique, qui ne s’est bien développée en moi que longtemps après… L’attrait que son chant avait pour moi fut tel, que non-seulement plusieurs de ses chansons me sont toujours restées dans la mémoire, mais qu’il m’en revient même, aujourd’hui que je l’ai perdue, qui, totalement oubliées depuis mon enfance, se retracent, à mesure que je vieillis, avec un charme que je ne puis exprimer. »

Jean-Jacques n’eut occasion d’entendre aucune musique pendant toute son enfance ; après sa conversion au catholicisme, il entendit pour la première fois la messe en musique dans la chapelle du roi de Sardaigne, et il alla l’entendre chaque matin. « Ce prince avait alors la meilleure symphonie de l’Europe. Somis, Desjardins, Bezozzi, y brillaient alternativement. Il n’en fallait pas tant pour attirer un jeune homme que le son du moindre instrument, pourvu qu’il fût juste, transportait d’aise. »

Il avait reçu quelques leçons élémentaires, et à bâtons rompus, de Mme de Warens. Lorsqu’il entra au séminaire, il emporta de chez elle un livre de mu-