échantillon de ses œuvres, il répondit qu’il allait s’occuper de composer une symphonie. Il mit cette promesse à exécution.
Pendant quinze jours, il sema des notes sur le papier, puis, pour couronner ce chef-d’œuvre, il le compléta par un air de menuet qui courait les rues et que lui avait appris à noter Venture. Rousseau avoue lui-même qu’il était si peu en état de lire la musique, qu’il lui aurait été impossible de suivre l’exécution d’une de ses parties, pour s’assurer si l’on jouait bien ce qu’il avait écrit et composé lui-même : qu’on juge de ce que devait être cette symphonie ! Le récit de l’exécution en est trop divertissant pour que je ne laisse pas Rousseau raconter lui-même :
« On s’assemble pour exécuter ma pièce ; j’explique à chacun le genre du mouvement, le goût de l’exécution, les renvois des parties : j’étais fort affairé. On s’accorde pendant cinq ou six minutes, qui furent pour moi cinq ou six siècles. Enfin, tout étant prêt, je frappe, avec un beau rouleau de papier, sur mon pupitre magistral, les deux ou trois coups du Prenez garde à vous ! On fait silence ; je me mets gravement à battre la mesure : on commence… Non, depuis qu’il existe des opéras français, de la vie on n’ouït pareil charivari : quoi qu’on eût dû penser de mon prétendu talent, l’effet fut tout ce qu’on en semblait attendre ; les musiciens étouffaient de rire ; les auditeurs ouvraient de grands yeux et auraient bien voulu fermer les oreilles, mais il n’y avait pas moyen. Mes bourreaux de symphonistes, qui voulaient s’égayer,