Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/261

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le succès le plus éclatant. Applaudi avec transport à la cour, il ne le fut pas moins à la ville ; exécuté par Mlle  Fel et Jelyotte, les deux plus célèbres chanteurs de l’époque ; rien ne manqua à la gloire de l’auteur, rien que sa bonne volonté. Il refusa de se rendre aux répétitions, pour conserver le droit de dire qu’on avait gâté son ouvrage ; il s’enfuit, lorsqu’on voulut le présenter au roi, qui devait joindre à ses félicitations le brevet d’une pension : en l’acceptant, il aurait perdu son droit à la persécution et à l’injustice du sort et des hommes. Il reçut cependant mille livres, une fois payés, de l’Opéra, et vendit sa partition et ses paroles six cents livres. Ce n’était pas cher, et il aurait eu droit de se plaindre de la modicité de la rétribution ; mais alors les auteurs les plus en renom n’étaient guère mieux payés, et s’il y eut exception pour lui, ce ne fut que dans l’éclat du triomphe et du succès.

Un tel début paraissait devoir être l’aurore de la plus belle carrière musicale : il en signala la fin et le commencement. Rousseau ne fit plus rien.

Quand les auteurs produisent beaucoup, on les accuse de se faire aider dans leur travail, et de s’approprier les idées de collaborateurs en sous-œuvre ; quand ils produisent peu, on ne manque pas de dire que leur ouvrage ne leur appartient pas. Aussi refusa-t-on à Rousseau la paternité du Devin du village, avec autant d’injustice et aussi peu de fondement qu’on le fit, un demi-siècle plus tard, à Spontini, à propos de la Vestale. Mais Spontini répondit avec Fernand Cortez, avec Olympie avec les autres opéras joués en Allema-