Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/284

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jouer sa partie. Notre futur compositeur y aurait peut-être consenti, mais comme il était incapable de la lire, il trouvait tout simple d’en improviser une, pour ne pas rester les bras croisés. Quelle que fût la considération qui s’attachât au nom de son père et quelques ménagements qu’elle eût inspirés jusque là, ou finit par trouver que le petit à M. Dalayrac était insupportable en société, et on le pria poliment de rester chez lui.

Dalayrac comprit à peu près qu’il s’était un peu trop hâté de vouloir briller comme virtuose, et que quelques études lui étaient encore nécessaires ; il se mit à travailler la musique et le violon avec plus d’ardeur, mais ce fut un peu aux dépens des Institutes de Justinien et des légistes dont il devait étudier les savants commentaires. Cependant, il ne pouvait se résoudre à renoncer au plaisir de participer aux concerts des amateurs, et malgré l’ostracisme prononcé contre sa personne, il trouvait de temps en temps moyen de se glisser parmi ceux qui avaient prononcé contre lui une sentence si rigoureuse : il rôdait, la nuit venue, aux abords de la salle de concert, son violon soigneusement dissimulé sous un ample surtout ; puis au moment où deux ou trois personnes entraient à la fois, il se glissait adroitement au milieu d’elles, passait inaperçu, se faufilait dans la salle de concert, parvenant, grâce à sa petite taille, à se cacher parmi les chaises et les pupitres ; puis une fois le morceau commencé et l’attention de chaque exécutant absorbée par son cahier de musique, il venait prendre sa place au