Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/296

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que ce mélange ne fût trop fade, il le saupoudra d’une bonne poignée de sel dont il s’était précautionné, et il alla offrir ce régal au vigilant Pataud. Le chien se jeta avidement sur la pâtée, qu’il dévora en un clin d’œil ; Dalayrac lui fit encore quelques caresses ; mais en le quittant, il eut soin de renverser d’un coup de pied l’écuelle contenant l’eau destinée à sa boisson. — Le soir venu, il voulut aller le détacher lui-même : le chien tirait la langue d’un demi-pied. Dalayrac remplit l’écuelle d’eau qu’il alla tirer à la pompe ; mais il y versa non pas une ou deux gouttes, mais cinq ou six de la fiole que lui avait remise son ami l’apothicaire. Le chien vida l’écuelle en quelques lampées.

Quand tout le monde fut couché, notre futur avocat se mit à la fenêtre et aperçut le chien couché tout du long devant sa niche et dormant d’un sommeil léthargique. Il n’y avait plus de danger que l’escapade nocturne fût ébruitée, et le jeune enthousiaste put prolonger son concert tout à son aise.

Grâce à l’expédient qu’il renouvelait chaque jour, il put sans contrainte se livrer à son goût dominant : le jour il étudiait à voix basse la musique qu’il devait exécuter pendant la nuit, et, ce bienheureux moment venu, il se livrait à l’étude de son instrument favori et aussi à tous les caprices de son imagination musicale. Se croyant sans témoins et sans auditeurs, rien n’arrêtait l’expansion de ses idées : parfois son violon lui semblait insuffisant pour les traduire, il chantait alors de douces mélodies qu’il soutenait par des accords en