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SOUVENIRS D’UN MUSICIEN.

heureux de ses sujets, que pour la manière réservée, habile et ingénieuse dont il savait les présenter sous la forme musicale. Aussi sa réputation fut-elle beaucoup plus grande au théâtre que parmi les musiciens. Il ne fit jamais partie du Conservatoire, où Monsigny et Grétry avaient été appelés à professer dès l’origine de l’établissement.

Cependant l’Empereur, qui savait apprécier tous les genres de mérite, accorda la décoration de la Légion d’Honneur à Dalayrac. Fier et heureux de cette distinction alors si rare, la première, la seule qu’il eût jamais obtenue, Dalayrac voulut la justifier par l’éclat d’un grand succès. Il fixa son choix sur un sujet de M. Dupaty intitulé : le Poëte et le Musicien. La pièce était écrite en vers et offrait un imbroglio assez gai. Elleviou et Martin y jouaient, comme d’usage, les rôles de deux jeunes étourdis, et les occasions ne devaient pas manquer au compositeur pour y écrire des duos, et renouveler ces luttes vocales où ces deux chanteurs favoris lui avaient donné l’habitude du succès.

Il se mit au travail avec ardeur. La pièce fut mise en répétition, pour être jouée à l’époque des fêtes de l’anniversaire du couronnement. Une indisposition de Martin ayant interrompu les répétitions, Dalayrac reprit sa partition pour la terminer et y faire quelques changements : il venait d’écrire la dernière note du chœur final, lorsqu’il apprit que l’Empereur allait partir pour l’Espagne, et que son ouvrage ne pourrait être représenté devant lui si l’on ne se hâtait