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BOÏELDIEU.

Cependant sa jolie figure, cet air de bonne compagnie qu’il posséda toujours, l’avaient fait remarquer. La maison Erard était alors le rendez-vous de tout ce qu’il y avait d’artistes distingués à Paris, et Boïeldieu sut y trouver accès, malgré sa position peu avantageuse. Il trouva quelques paroles de romance, et la musique délicieuse qu’il y adapta lui valut de grands succès dans le monde : ce n’était plus comme accordeur, mais bien comme professeur de piano qu’il s’ouvrait l’entrée des meilleures maisons ; à ses romances succédèrent des duos de piano et de harpe, qui n’eurent pas moins de succès ; puis enfin, on lui confia un poëme : c’était Zoraïme et Zulnare. La musique en fut composée en peu de temps ; mais aucune considération ne put déterminer l’un des deux théâtres lyriques de cette époque à mettre en répétition un opéra en trois actes d’un jeune inconnu. Il fallut auparavant qu’il s’essayât dans des ouvrages en un acte, et son premier opéra joué fut la Famille Suisse ; Zoraïme et Zulnare vint ensuite ; puis Montbreuil et Nerville, la Dot de Suzette, les Méprises Espagnoles, Beniowski, où l’on remarque des chœurs d’une vigueur et d’une énergie dont on ne l’aurait pas cru capable jusque là ; le Calife, cet ouvrage de jet si riche, de mélodies originales, de motifs gracieux. Cet opéra fut composé d’une singulière manière.

Boïeldieu avait été nommé professeur de piano au Conservatoire ; c’est pendant qu’il donnait ses leçons, entouré d’élèves qui étudiaient leurs morceaux, que sur un coin de l’instrument il enfantait et écrivait ses