Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/70

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die le mit aux portes du tombeau, et ce ne fut plus qu’à de longs intervalles qu’il put faire résonner sa lyre. Les Voitures versées, la Dame Blanche et les Deux Nuits furent ses trois derniers ouvrages. La santé de Boïeldieu dépérit de plus en plus depuis son dernier opéra. C’est en vain qu’il voyagea, allant partout chercher un remède à ses maux. Une extinction de voix qui s’était emparée de lui, il y a un an, ne le quitta que pour faire place à une sciatique aiguë qui lui fit endurer des douleurs inouïes : il crut que des eaux, dont il avait déjà éprouvé de salutaires effets, lui apporteraient quelque soulagement ; mais l’effet fut loin de répondre à son attente ; on le transporta presque mourant à Bordeaux et de là à Jarcy, où il vient de s’éteindre dans les bras de sa femme et de son fils, dont il était l’idole.

Le talent de Boïeldieu, si universellement reconnu aujourd’hui, ne fut pas toujours apprécié à sa juste valeur : longtemps on s’obstina à ne voir en lui qu’un homme ordinaire, qui avait quelques jolies idées ; et cependant, que de qualités brillantes dans sa manière ! Qui croirait, en entendant la Dame blanche, que ce soit l’œuvre d’un homme de cinquante ans ? qui croirait, en entendant cet orchestre si nourri, si riche d’effets d’harmonie, que cet opéra soit sorti de la même plume qui a tracé les accompagnements mesquins de Zoraïme et Zulnare trente ans auparavant ? Boïeldieu sut toujours marcher avec le siècle ; sa musique fut toujours celle du temps où il l’écrivait, et lorsque, l’année passée, tous les compositeurs de Paris se réunirent