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LE BAISER DE NARCISSE

« Par l’enfer, qu’il fait doux ! déclarait-il… Voyons l’Hypogète, pas besoin d’évoquer les Furies ! Il te sourira bien un jour, mon Asiatique… Des baisers ? on les prend, malgré lui… Tiens… vous autres qui ne croyez qu’aux femmes, vous me faites pitié… Mais grappillez donc à tous les plaisirs… C’est aimablement ivre, le front couronné de fleurs suaves, qu’il fait bon chercher le bonheur. Ainsi toi… l’as-tu trouvé ? Et a-t-elle un pois chiche sur le nez, ton modèle, ton amoureuse… pour la cacher ainsi ?

— Mais qui t’a laissé penser que cette femme soit mon amoureuse, répondait, fâché, Ictinus. Veux-tu savoir qui c’est ? Ne l’ébruite point. C’est Briséis, la danseuse, tout simplement. Et tu la connais de réputation ? Elle ne sacrifie qu’à Sapho, après t’avoir quitté.

— Parbleu ! Mais nous l’avions rencontrée en venant. C’est elle qui m’a fait connaître l’enfant… Vite, que je la démasque ! Il y a longtemps qu’elle pose ?

— Depuis huit veillées… Une fantaisie à ce qu’il paraît. Elle prétendait d’abord me servir pour Ganymède même.

— Peste ! Pourquoi ne pas se coudre un phallus ?

— Elle adore les découdre aux autres.

— Comment ? Aussi ? Elle m’a tant refusé ! Ah çà ! tu aurais bien pu me prévenir. Où est Milès ? Je ne tiens pas à rester ici… Où est Milès, » répétait Scopas avec l’obstination des grands hommes et des ivrognes.

Mais le silence seul lui répondit et l’ombre plana, plus dense, les torches étant brûlées. Alors ils hélèrent un esclave qui, après un assez long moment, surgit, les yeux boursouflés, avec une lanterne à la main, comme Amphitryon.

« Je mourrai d’émotion, avec ce garnement-là, grondait