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LORD LYLLIAN

et à analyser, qui rende une disparition naturelle et une autopsie inutile. Passons. Il voulut un poison rapide, sûr et élégant.

— Un raffiné, ce Sganarelle.

— Un raffiné… il voulut un poison de jolie femme. La morphine : bien connue… et puis vraiment trop démocratique et pas assez neuve. La morphine n’est plus à la mode.

— D’où le chloroforme… L’hypothèse est intéressante. Mais, comment expliquez-vous le verrou…

Bien simple. La Duchesse, nerveuse et maniaque, avait toujours un flacon de sels à sa portée. Il a substitué le chloroforme au vinaigre dans la journée. Le soir, il est venu frapper à la porte de la Duchesse qui, aussitôt, a condamné la porte. Peut-être même avait-elle une idylle pour la nuit. Voyez-vous ça, un larbin amoureux se ruant sur cette morte…

— Ah, la splendide émotion ! murmura Lyllian rêveur…

— Puis, elle a respirer ses sels longuement. Un rien de chloroforme quand on digère, ça vous tue… Et c’est comme ça qu’elle a fini…

— Eh bien, mon Prince, vous avez la fève. Vous excellez dans l’Edgar Poë, et je vous emprunterai la Duchesse pour ma première chronique. Venez maintenant écouter la sérénade. Nous sommes cimetière au clair de lune, Desdémone et César Borgia. Vrai de vrai, ajoutait-il en désignant Renold, cet enfant nous prendra pour des monstres…

— Pour des masques, cingla Lyllian, pendant qu’ils sortaient de Quadri sur la place Saint-Marc.

La nuit était d’une tièdeur calme, et, malgré la brise