Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/178

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XX

— Voilà la vie ! Ah ! les poètes ont beau jeu de chanter les roses, le bonheur et la crême Simon… Pourquoi pas le savon du Congo ? Au moins, ça mousse. Voilà la vie ! J’ai la jeunesse, la force, le besoin d’aimer. Le matin quand je me lève, le soir quand je me couche, la nuit quand je rêve… toujours, toujours, je sens en mon corps voluptueux et muselé, le long de mes membres blancs, un frisson indicible, un frisson de caresse et de langueur.

Alors vainement je cherche un souvenir dont je me paisse griser, un espoir dont je me puisse leurrer, un présent dont je puisse jouir… et rien, mon cher, rien, absolument personne, personne ! Je reste seul !

Oh ! quel mensonge, quel carnaval infect que le monde, quel pitre aussi que ce Dieu qui, nous ayant créés vivants pour user notre force, nous sème à travers une planète où, parmi la foule, nous ne sommes que des reclus…