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LORD LYLLIAN

vie — un coktail de son invention — à Lyllian enthousiasmé.

— Très bien. Après avoir bu, je danserai ! Vous allez voir ; mais réveillez-les donc ! Qu’est-ce que c’est que ces brutes-là ? Et, farceur comme un gamin, il s’approcha de Feanès écroulé sur ses coussins :

Halloah ! wake up, you beggar !…

Feanès ne bougea pas.

Sa femelle, attirée par le joli gosse qu’elle avait tout près, attachait sur Lyllian des yeux d’hallucinée. Lord Lyllian sentit brusquement ce désir et cette extase.

— Dites aux musiciens de jouer, voulez-vous ? implora-t-il câlinement vers della Robbia ; il prononçait, « voulez-vous » d’une façon irrésistible, avec des frissonnements de chat ou de barmaid, aiguisés d’une pointe mâle et volontaire. Puis, comme les zingaras préludaient sur leurs violes à un air emporté et sensuel de là-bas, soutenu par les accords sauvages, caressé par les arpèges sonores, lentement… en se rapprochant de la brune gitane jusqu’à la toucher presque, en se rapprochant de Mme Feanès dont le mari dormait si bien, lentement, avec un geste d’empereur, il dégrafa le manteau, laissa glisser la soie noire… et, pâle comme tout à l’heure le clair de lune, sa nudité radieuse apparut.

Della Robbia, Jean d’Alsace, le gros Herserange, le Prince même retinrent un cri d’admiration et de stupeur.

Et lord Lyllian complètement nu, jeune et beau comme Ganymède, lord Lyllian se mit à danser, à mimer plutôt (la musique s’y prêtait) une sorte de pas lascif, en renversant la tête, en chavirant les yeux. Ses