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MESSES NOIRES

plus triste, une dépêche à la main. Entré dans la chambre du petit Renold, il dit simplement : Lord Lyllian is dead. My Lord, let us pray — Lord Lyllian est mort, prions pour lui, Monseigneur !…

Les détails qu’on lui donna ensuite furent que son père avait — au retour de Cowes — été frappé d’une attaque au club, un soir, après avoir beaucoup bu et beaucoup joué. L’enfant eut une première révélation de vice, et l’image de son père, toujours si correct, si hautain et si calme devant lui, s’en altéra pour jamais.

Les mois qui suivirent furent, pour le petit Lord, d’une poignante mélancolie. D’abord c’était l’époque des chasses et son père y restait fidèle. Son père, malgré tout, l’aimait, le caressait parfois d’un geste distrait et distingué, lui parlait un peu. Maintenant, personne ! Et le château fut hanté d’un fantôme de plus, d’une ombre dont, la nuit, l’enfant avait peur et qui, le jour, le suivait pas à pas dans les larges corridors, sous les hautes voûtes des salles de pierre.

Un tuteur fut nommé sur ces entrefaites pour gérer le majorat ; un cousin éloigné, aperçu autrefois aux réunions intimes du Lord Lieutenant, son enragé partenaire au bridge. Ce cousin demeurait quelque part dans le comté d’Essex, au sud de l’Angleterre.

Lord Lyllian avait quelquefois décrit ce parent à son fils, comme un vieillard goutteux, entêté et égoïste.

Au surplus, Renold reçut huit jours après la mort de son père une lettre de l’Honorable comte S. H. W. Syndham l’informant de la décision testamentaire du feu lord Lyllian et l’invitant à passer, là-bas, dans ses houblonnières, à Auckland lodge, deux semaines au prochain printemps.