Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/104

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— Oui, du moment qu’on ne fait de mal à personne ! s’écriait alors Gérard ; si tu étais seule au monde, si tu étais seule à supporter la responsabilité de tes actes, du moment que tu sais plier ta fierté aux dressages du monde et que tu consens à vivre en marge de la société, personne ne te jetterait la pierre, ou, du moins, personne ne songerait à t’accuser de lâcheté. Mais là où tu te trompes, où tu t’abuses, Nelly, sur tes droits et sur ta liberté, là où ta faute est lourde, vilaine, irréparable, c’est que tu englobes dans le déshonneur social du nom que tu portes une famille qui, elle, a des prétentions à être absolument respectable, une famille qui a tout fait, d’ailleurs, pour empêcher ta chute.

— Allons donc ! Quel mensonge ! Empêcher ma chute ? Mais qu’est-ce qu’elle a fait, ma famille ? Crois-tu que ce soient tes conseils ? Crois-tu que ce soit la surveillance de notre père, ou quelque vain souvenir ? Et puis elle a nocé, ma famille, comme tant d’autres. Et quant aux belles madames ma chère qui me désavoueront, ça, ça fait rire… Mais voyons, tu es extraordinaire, Gérard ! Veux-tu savoir qui l’on m’offrait en décembre dernier, après que tu m’eus découverte avec le prince ? Un hautbois, mon cher, un premier prix du conservatoire, plein d’avenir, je le veux bien, mais un hautbois à l’Opéra-