Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/106

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devines lesquels — poisons et poissons — frétillaient autour de nos jupes. Depuis longtemps je savais à quoi m’en tenir. Ah ! si j’avais pu rester la petite oie blanche, parure et gloussement des artistes bourgeois ! Bref… tant que je n’ai cru aimer personne, je te jure, Gérard que tout a bien marché. Mais, voilà…

— Tu aimes donc Minosoff ? interrogeait alors Maleine soudainement.

— Si je l’aime ! Ah ! un jour, je te souhaite de souffrir comme je souffre, pour comprendre l’amour. Enfin, tu sens bien, n’est-ce pas, que je lui ai tout donné ; que je l’ai suivi comme une aveugle, que je lui obéis comme une esclave ! J’aurais oublié le goût du pain pour lui ! Pour lui j’ai quitté notre sœur, père, maman là-bas, maman malade. J’ai jeté tes conseils par-dessus bord. Je me suis livrée, anéantie, perdue.....

Et tu crois qu’en échange j’ai trouvé le bonheur ? Ah mon Dieu ! La voilà, l’expiation. Heureuse ? Depuis notre départ, lui qui jusqu’à la faute m’entourait, m’étourdissait, me pressait, me grisait, lui qui me jurait le Paradis avec la liberté, lui qui me suppliait au nom de l’amour fidèle, je le vois petit à petit, graduellement, sans secousse (mais avec quelle sûreté), je le vois se détacher de moi ! Oui,