Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/14

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II

On ne l’avait pas désiré.

Tout petit, au moment où, pour les autres, le cœur ignore la tendresse, où la pensée ignore la vie, Gérard Maleine se révélait un enfant mélancolique et câlin, narquois, et pourtant sensible à l’extrême. On l’entourait d’une indifférence résignée. Son père, le compositeur connu, rarement là, spirituel, veule, gaffeur et noceur, ne s’occupait du gamin qu’entre deux premières ou deux concerts. Il le considérait comme une portée sans importance. Il lui reprochait son nez en trompette, ses oreilles en côtelette de veau et son air d’avoir peur. Sacrebleu ! ajoutait-il, l’âge ingrat n’est pas fait pour les tendresses.

La mère, blonde, exsangue, malheureuse et distraite, déjà malade des nerfs, détestait trop le bruit