Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/154

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villa blanche que protégeait l’intangible Psyché.

— Plus tard, quand nous reviendrons, pèlerins épuisés d’avoir vu des mondes, quand tu auras, Muriel, laissé ton âme glisser comme une traîne sur ces pays d’Orient, nous trouverons ici, intactes et palpitantes, les minutes d’aujourd’hui, les minutes heureuses.

Sa main cherchait celle de la jeune femme. La nuit venait, quoiqu’il fît encore très clair. Du coin écarté où ils s’étaient réfugiés, ils n’entendaient plus les cris brefs des joueurs, probablement partis.

— Les minutes heureuses… répétait Muriel. Et ce mot sur ses jolies lèvres arquées s’infléchissait, ironique quasi. En amour, voyez-vous, dearest, il ne faut pas trop parler de bonheur… Rappelez-vous les vers que vous me disiez une fois :


Je l’aime trop ; Sa passion farouche et rare
Me griffe en son baiser, me mord sous son velours !…


Des pas les interrompaient. C’était Miss Fayne ; elle cherchait Maleine pour arranger au club les parties du lendemain. Elle lui rappelait entre temps le dîner chez les Bergson.

— Viens-tu avec nous, Muriel… ?

— Non, répondait-elle ; revenez ici, il fait si beau !