Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/19

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Et chaque lundi, lorsque Gérard rentrait après avoir pleuré toute la nuit, elle lui glissait des bonbons et une pièce blanche.

Il avait grandi ainsi, au fur et à mesure de sa mauvaise mine changeant de bahuts et de boîtes. Parfois les succès de son père lui venaient aux oreilles. Des professeurs l’interrogeaient avec bienveillance. Il put s’en acquérir six ou sept moyennant des billets de faveur que grand’mère toujours lui passait. Puis, avec l’âge, des troubles le prenaient, des vertiges, des langueurs…

Il rencontrait parfois, le dimanche, à la maison, des actrices qui venaient voir le Maître, le consulter sur un rôle, entendre une partition ; et le collégien qu’on renvoyait du salon partait, ébloui et inquiet, les yeux pleins de ces belles dames pareilles aux poupées de ses sœurs, et qui sentaient autre chose que les parfums du dortoir.

Une fois, c’était d’ailleurs avant la définitive maladie de sa mère, Gérard fut témoin d’une scène terrible entre M. et Mme Maleine. Des injures on en vint aux coups, et l’adolescent se rappelait comme si ç’avait été hier, sa mère blafarde, soulevée hors de sa chaise longue, griffant au visage le musicien qui l’enserrait, violet de rage, dans ses poignes nerveuses. Le soir même, pensif devant une gravure