Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/206

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doigt. Après la pitié vint l’indifférence ; un signe de tête protecteur, un coup de chapeau esquissé.

— Un mari malheureux ? Oui, chère madame. Pourvu d’une femme impossible ? Peut-être. Mais aussi quelle sœur ! Et lui, est-il aussi net que ça ? Croyez-moi, on n’a que les femmes qu’on mérite… La sienne savait juste lire, écrire, et tromper. Il y a un tas d’histoire là-dessous…

Tant qu’on ne fit qu’annoncer mystérieusement des histoires, les saluts de plus en plus faiblards se prolongèrent. Mais un jour, quelqu’un de plus hardi, de plus bête, ou de méchant lança un mot sur l’amitié avec Éric Hultmann, le poète de chez Tibère, le jeune homme aux inscriptions obscènes et aux statues dépourvues de caleçon. Le pétard éclatait. Les yeux se dessillaient. C’était le couronnement ! On comprenait maintenant le départ de Muriel. Pauvre petite… un homo, presque un chamo-sexuel ! Dès lors, le régiment cinquantenaire des pimbêches, le bataillon grinçant des constipés, l’acidité contenue des mauvaises langues, la rancœur des pique-assiettes et la fierté des sans le sou défilaient devant Maleine, bourriques en tête, le chef hautain, sans plus rien voir. Le Docteur Millelire qui n’en était guère à une lâcheté près affirmait d’un