Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/233

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mière fois, elle paraissait dissimuler quelque chose sous son front naissant ; cacher un secret sous le galbe pur de sa ferme poitrine… Il détourna ses regards, et lentement, sans bruit, avec des précautions d’amoureux ou de prêtre, souleva les voiles de ses œuvres comme pour ne pas réveiller leurs modèles. Il gardait pour la fin le buste de Muriel. Quand il l’atteignit, il se sentit au cœur comme un vide. Les tempes lui battirent. Il recula pour saisir une chaise et pour ne pas tomber…

Mon Dieu ! Était-ce qu’il voyait mal, était-ce une illusion des ténèbres et de la peur ? Mais cette étude, ce profil pur dont il se souvenait semblait avec le temps, s’être altéré, ridé, crevassé, semblait avoir vieilli. Gérard ne retrouvait plus dans la glaise la fraîcheur adolescente, la grâce attique et saine de la femme enfant : ce n’était plus, en un mot, la physionomie de la Muriel qu’il avait aimée… C’était le masque aveuli, grimaçant et fardé d’une courtisane. Muriel, cette caricature ? Allons donc tout au plus Mimie Smile… dix louis ? voulez-vous ?

— Ah ! la gueuse…

Une saute de folie l’étreignait. L’atavisme maternel submergeait sa raison. De sa canne il assénait