Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/30

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roses précoces de Luxembourg, les lilas à haute tige d’Île-de-France, les tubéreuses d’Espagne, les primevères de Chine, les gloxynias dont la légende est encore parfumée, et certaines bulbes bizarres qui produisent des feuilles pareilles à des blessures… Après un voyage parmi les fougères, ils venaient d’entrer dans une sorte de Palmarium assez élevé, lorsqu’un rayon de soleil perçant les vitres, Gérard Maleine s’arrêta pour jouir de son plaisir : au milieu d’une corbeille d’azalées oranges et roses, de ces azalées sans verdure, desquels il ne naît que des fusées lumineuses, une jeune fille riait, pareille à la sœur de ces floraisons folles, riait de l’étonnement du nouveau venu. Le soleil la nimbait, apportait une réverbération d’argent aux fins contours de son visage.

— C’est ma fille, avait dit l’horticulteur — en ajoutant : Elle est de mon métier ; personne, comme elle, n’aime les fleurs.

Le soir, en rentrant à la chambrée bourrue, le jeune sculpteur rêvait encore à cette petite tête moqueuse et peureuse à la fois, yeux gamins de fox terrier mangés par des boucles blondes, nez un peu trop en l’air peut-être, mais spirituel en diable, bouche charnue qui riait, montrant jusqu’aux coins aigus du sourire, dents blanches comme fraîches avelines…