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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

se mêlait au bourdonnement des guêpes. Elle assistait, sans mouvement, à la fusion des sons qui précède le sommeil. Alors, lentement, devant ses paupières closes s’éleva une image. Elle reconnut le profil d’Alyçum.

— Amina !… Amina !… s’écria-t-elle en touchant l’épaule de la Syrienne, assoupie sur le tapis de Smyrne. Amina, réveille-toi !

À ce moment apparut à l’embrasure de la porte, la vieille Mirmah, entièrement nue malgré l’hiver.

La journée est douce, dit-elle de sa voix chevrotante. Tu n’as pas faim ? Je t’apporte de la confiture de rose.

— Ah ! c’est toi, ma mère… Viens près de moi, viens que je t’embrasse.

— Rafraîchis d’abord ta jolie bouche, Nour-el-Eïn, reprit la vieille tcherkess en tendant de ses mains tremblantes un compotier d’argent.

Amina se réveilla et vit sa maîtresse qui suçait une petite cuiller de filigrane. S’étant essuyé les lèvres de ses doigts, Nour-el-Eïn saisit la vieille Mirmah par la peau du ventre.

— Viens, je m’ennuie… Raconte-moi une histoire…

— Laquelle ? demanda Mirmah.

— N’importe laquelle.

— Je te raconterai l’histoire de ce prince qui, à l’aide d’un miroir magique, pouvait s’assurer de la virginité des filles…

— Non ! Non ! Je veux l’histoire de Mélek.

La vieille femme soupira et s’asseyant auprès d’Amina demeura quelque temps sans rien dire.