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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

se disait-elle avec de faux airs de victime. » Jusqu’au retour de la dallala, elle n’eut d’autre but que de bien se pénétrer de son impuissance. Elle parvint à se convaincre que tout le poids de la faute pressentie retomberait sur Warda et elle se frappait la poitrine en répétant : « Que puis-je contre cette femme ? »

Le quatrième jour de son attente, des larmes glissèrent sur ses joues. Elle était devenue le jouet de sa propre mystification… Parfois le supplice de la fellaha lui revenait à l’esprit. Elle s’accoudait à la fenêtre, chantait ou appelait Yasmine aux jolis bras et lui demandait de danser. L’esclave tordait son corps souple, lançait des cris de haine ou d’amour. Nour-el-Eïn croyait voir dans ces contorsions des jambes, de la taille, du cou, les spasmes agonisants de la femme adultère.

— C’est assez, ma fille…

Mais il fallait qu’elle répétât son ordre à plusieurs reprises, pour que Yasmine l’entendît. Elle s’arrêtait avec un rire mauvais et son corps en sueur luisait comme un diamant noir. Un matin Nour-el-Eïn lui avait dit « Apprends-moi ta danse, Yasmine. » Et dans la chambre, elle avait suivi, presque nue, les conseils de la négresse, inventant même des attitudes nouvelles.

— C’est bien, criait la vieille Mirmah.

Elle avait reconnu en Nour-el-Eïn, la grâce de Mélek. Ravie, elle joua un accompagnement sur la peau d’âne d’une tarabouka, tout en chantonnant :