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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Alors, mon enfant ? Parle sans avoir peur, je te comprendrai…

— Eh bien, voilà ! Je songe à Mabrouka… Tu ne donnes jamais rien à Mabrouka, et tu ne vas jamais la voir… Elle est ta femme depuis vingt-cinq ans et elle n’a pas le quart de mes bagues et de mes colliers…

Pelotonnée contre la poitrine de son mari qu’elle grisait de l’odeur de rose dont elle s’était parfumée, elle lui parlait d’une voix puérile et chantante :

— Mabrouka est si bonne… Elle est très jolie..… Sa peau est plus blanche que la mienne… Il ne faut pas qu’elle se ressente de mon arrivée dans ton harem… Si elle n’en souffre pas, elle m’aimera ; si elle en souffre, elle ne m’aimera plus…

Elle se tut rougissante, se serra mieux contre son mari et levant vers lui de grands yeux innocents :

— Promets-moi, poursuivit-elle, que tu iras de temps en temps la visiter dans son lit… Tu ne l’as pas fait depuis notre mariage.

Tant de bonté avait attendri Cheik-el-Zaki. Il desserra son étreinte, craignant de faire du mal à cet objet délicieux dont l’âme était si délicate.

— Ma perle, dit-il, ma petite perle… Ton cœur a la beauté de ton visage… Je te promets tout ce que tu voudras.

Entre créatures d’une même mentalité on se comprend à demi-mot. La première fois que le cheik honora le lit si longtemps délaissé de Mabrouka, celle-ci ne se fit aucune illusion. Elle