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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

Mabrouka eut une exclamation de surprise joyeuse. Quoiqu’elle jugeât Warda une créature inférieure, elle était flattée de la recevoir. Mais, comme elle était mortifiée de sa présence assidue auprès de Nour-el-Eïn, elle tint à lui en faire le reproche :

— Va-t’en, dit-elle en riant, va chez la jeune, chez la belle… Pourquoi perdre ton temps avec une vieille comme moi ?

— Tu es éclatante comme le soleil, répondit Warda en s’asseyant. Qu’Allah le veuille, tu te portes bien ?

— Mal… très mal, gémit Mabrouka de crainte du mauvais œil. Et que viens-tu me raconter ?

La conversation languissait. Mabrouka fit servir du café et de la confiture. Puis, avec orgueil, elle montra les cadeaux du cheik : la broche de rubis, une paire de turquoises montées en boucles d’oreilles et un lourd collier d’or.

— Naturellement, criait la dallala, y a-t-il une autre que toi digne de porter de tels bijoux ?

Bien que Mabrouka sût à quoi elle devait attribuer les attentions de son mari, elle ne put résister au plaisir de faire croire à Warda que le cheik revenait à elle et qu’il l’aimait comme au lendemain de son mariage. Elle parla de leurs rapports avec émotion et loua le Seigneur de sa bienveillance. Warda la stimulait à exagérer et, quand Mabrouka se tut enfin, elle s’exclama :

— C’est justement pour cela que je venais te parler, ce que tu me dis je l’avais deviné… Il n’y a pas au monde un cœur meilleur que le