Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/174

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tacle qui se déroule sous sa fenêtre. La caisse où sont les restes d’Alyçum ne se distingue pas des autres caisses qui, tant de fois, ont traversé les rues d’El-Kaïra, précédées d’une bande de pleureuses. Des funérailles comme toujours… Cette scène familière la tranquillise, car elle s’attendait à une révélation atroce de la mort. Alors le souvenir lui vint de sa beauté méprisée.

— Va, va, dit-elle, va dans la terre, toi qui m’as repoussée.

Ces mots la font pleurer. Elle n’a plus de panique et ce n’est point de la douleur… C’est une petite émotion fugitive où il y a moins de regret que de satisfaction. Aucun danger ne la menace. Le cadavre sera placé sur le sable, dans une tombe, mais elle, elle vivra.

— Va dans la terre, toi qui m’as repoussée.

Elle songe au talisman qui devait l’unir à Waddah-Alyçum dans un même amour, dans un même sort. Si l’effet des écritures persiste ? Vite, vite, qu’on l’emporte et que tout entre eux soit rompu.

— Déchirez vos voiles, pleureuses, déchirez vos voiles ! s’écrie Mirmah en se portant des coups sur les seins.

— Tu avais des maisons et des jardins. Nous t’avons tiré de ton lit pour te mettre dans une caisse… Mais que ton esprit ne se désole pas, nous avons enveloppé ton corps de châles de cachemire, dit Amina.