Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/205

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Ce régime assura la paix du harem. D’ailleurs ne sachant laquelle serait élue et laquelle humiliée, Zeinab, Hellal et Nassime se conformaient, en toute occasion, à une politesse très formaliste. Du matin au soir, elles se prodiguaient des conseils ; jamais elles ne manquaient de se dire « Pince-toi le ventre, ma sœur », au spectacle d’un homme difforme ou d’une bête monstrueuse.

Toutefois chacune d’elles se surprenait à étudier, du coin de l’œil, la démarche, la conformation, l’appétit de ses compagnes. Serait-ce un fils ? une fille ? La réponse des devineresses laissait au doute une large part, tant il y avait eu de mères déçues après des présages favorables.

Quant à Hawa, elle était fort occupée. Ses maîtresses depuis plusieurs mois s’abstenaient de tout mouvement. Il fallait à chaque instant leur passer la gargoulette, leur griller du maïs, leur préparer le narghilé, leur offrir du café, des pistaches, des lupins, des confitures. Hawa ne se plaignait pas. Elle travaillait joyeusement en songeant que Mahmoud serait enfin satisfait. Dix fois par jour, elle faisait aux dames la surprise d’une savoureuse crème de noisettes et de coriandre qui devait adoucir les traits des enfants à naître.

On apprit cependant que le grand Cadi allait épouser la fille du grand cheik d’El-Azhar. Les habitants d’El-Kaïra approuvaient cette union et la maison des Riazy fut bouleversée. Cinq femmes des environs furent appelées en toute hâte pour préparer des vêtements à Zeinab, Hellal,