Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/214

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Et d’abord tu as bu mon lait… L’enfant que Hag Mahmoud m’a donné est mort et toi tu as bu mon lait. Mais laissons ça… ce n’est pas ce que j’avais à te dire. Voilà ce que j’avais à te dire : Et d’abord tu m’as obligée à coucher avec toi.

— Je ne me rappelle pas, dit, Goha.

Cette contradiction, qui dérangeait tous ses plans, transporta Hawa dans un accès de colère :

— Comment ! s’écria-t-elle. Tu n’es pas venu sur ma natte, tu ne m’as pas dit : « Tais-toi ! je suis mon père ? » Moi, je l’ai cru… Je suis une femme.

Sincèrement Goha ne se rappelait pas. Cependant avec bonté il acquiesça :

— Bien, Hawa, bien… Comme tu voudras, comme tu voudras, Hawa.

Il y eut un silence. La négresse, accroupie, était menaçante. Ses yeux étaient injectés de sang, et sa main ouverte, au bout de son bras verticalement posé sur les genoux, signifiait qu’elle n’avait pas fini son discours. Enfin, toujours méthodique, elle parla :

— Et d’abord…

Elle s’interrompit pour murmurer très vite :

— Prends garde, Goha, ne me contrarie pas, les diables me possèdent, et quand les diables me possèdent, je ne sais pas ce que je puis faire… Ah ! oui !… prends garde !…

Elle reprit la phrase interrompue :

— Et d’abord tu me trompes… Tu fais dehors ce que tu fais avec moi… On t’a vu avec une fellaha… Dis que ce n’est pas vrai… Non, non, je ne veux pas… On t’a vu dans un jardin… Je