Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/223

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Le mutisme de Goha, son attitude, étrange éveillèrent les soupçons d’Omar.

— Eh bien ? fit-il en serrant son gourdin.

Goha eût pu répondre : je me promène, et se tirer ainsi d’embarras. Mais il n’avait pas l’habitude des formules, toujours les mêmes, qui suffisent aux hommes dans leurs rapports quotidiens. Il chercha vainement à définir les aspirations auxquelles il avait obéi et de guerre lasse balbutia :

— Est-ce que je sais, moi ?

Soudain la pensée lui vint d’interroger Omar. Peut-être qu’à eux deux, ils trouveraient la réponse à une question qu’à lui seul il était incapable d’élucider. Mais le gardien l’avait empoigné vigoureusement par le caftan.

— D’abord qui es-tu ?

— Goha…

L’étreinte d’Omar se desserra…

— Goha !… fit-il avec compassion, il fallait le dire, mon pauvre enfant… Allons, rentre, rentre chez toi… Tout le monde est couché…

— Tout le monde est couché, répéta Goha, impressionné par cette idée, et il revint tristement sur ses pas.

Dans le vestibule, Hawa ronflait. Il entra dans sa chambre et s’étendit sur un matelas. L’atmosphère confinée de la pièce lui oppressa la poitrine. Il se mit sur un côté, puis sur l’autre, ferma les yeux, les ouvrit. Mécontent de s’être couché sans sommeil, il ressentait une sourde rancune… contre qui ? Il ne le savait au juste.