Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/227

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les brises et rien ne l’inquiétait. Il était en confiance aussi bien avec le vieux pan de mur qu’il apercevait au fond du jardin, qu’avec les arbres et les étoiles. Le ciel, cette grande voûte solide, qu’on avait posée sur la ville comme on pose un dôme sur les mosquées, menaçait il est vrai de s’écrouler de temps en temps. Goha savait également que du désert qui s’étendait à sa droite partaient souvent des khamsins faits du souffle de dix mille démons et qui renversaient des maisons, déracinaient des arbres, soulevaient des hommes… Mais il était sûr, cette nuit, que rien de tel n’arriverait. Et quand même le ciel s’écroulerait sur sa tête, l’écraserait, le tuerait ?… il serait mort… Goha sourit longuement, béatement à cette idée… Quelle serait la différence quand il serait mort ? Dans le silence de la nuit, il était en tel harmonie avec la nature que la pensée même de ses éléments déchaînés le réjouissait, comme s’il faisait partie de leurs forces, comme si leur marche était en accord avec sa volonté.

On pourrait à cette minute dire à Goha : « Tu es Botros, le copte, fils de Mikail », qu’il ne protesterait pas, ne se sentirait pas différent pour cela.

Derrière la balustrade, une forme venait de surgir. Il la vit et ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, son regard se posa sur elle et l’image se précisa. La présence d’une femme lui parut aussi naturelle que la présence du dattier dont il apercevait, au loin, la tête échevelée.

En s’approchant de la balustrade, Nour-el-Eïn