Alors elle se redressa. Elle avait épuisé sa colère. Maintenant elle riait comme une folle et se livrait tout entière à la joie de retrouver son amant qui, stupéfait, l’admirait avec un contentement hébété. D’ailleurs les minutes étaient précieuses, car l’aurore n’était pas loin de poindre et Cheik-el-Zaki devait revenir de la fête. Elle se suspendit au cou de Goha et le fit tomber par terre, avec elle.
Pendant qu’elle lui racontait sa douleur, ses espoirs, ses déceptions, il la regardait avec douceur et lui caressait les joues. Il la trouvait jolie. Ses paroles, bien qu’il n’y prêtât pas attention, lui plaisaient. Au lieu de répondre, il disciplinait sur sa tempe brune une mèche récalcitrante en murmurant : « Oui… Oui… ».
– Tu m’avais oubliée !… Tu en aimais une autre ?
– Oui… Oui… répéta Goha.
– Lâche ! Lâche ! Je le savais bien, s’écria-t-elle.
Son visage, qui s’était adouci jusqu’à la candeur, devint méchant. Goha se tut. Il était séduit par cette femme autoritaire et tendre, dont chaque mouvement lui était imprévu. Il couvrit ses bras de baisers, lui serra la taille comme s’il voulait l’empêcher de s’enfuir. Il poussait des cris d’admiration :
– Allah ! Allah ! Allah !
– Alors dans la bibliothèque… Tu as oublié ?…
– Je ne sais pas, je ne sais pas, dit Goha de plus en plus grisé.