Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/235

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la glace reflétait, c’est à cela que tendait toute sa volonté.

La vieille Mirmah tournait autour d’elle et d’Amina que sa maîtresse rudoyait. De sa main décharnée, elle se couvrait le menton et faisait visiblement effort pour ne point parler. Nour-el-Eïn la surveillait dans le miroir. Son geste, son mutisme et surtout cette façon de tourner autour d’elle l’exaspéraient, mais le respect qu’elle avait pour la nourrice de sa mère arrêtait sur ses lèvres les paroles désobligeantes.

— Est-ce que je ne te plais pas ? fit-elle d’une voix blanche.

Mirmah, blessée, ne se hâta pas de répondre. Elle leva lentement sa main tremblante, puis elle dit :

— Allah est juge de mes sentiments.

— Alors dis-moi ce que tu as.

La vieille femme posa sur le bras de Nour-el-Eïn le bout de ses doigts durs.

— J’ai… J’ai que ça ne se fait pas, dit-elle en hochant la tête, ça ne se fait pas… Il y a des règles dans la vie… Tu es jeune et moi aussi j’ai été jeune… Mais il est des choses qu’on ne fait pas dehors, sur la terrasse, au grand air, quand on est une dame, quand on occupe un rang… Demande à qui tu voudras, à une personne raisonnable, âgée, si c’est l’usage.

Nour-el-Eïn était consternée. Le reproche d’avoir manqué aux traditions de sa caste lui donnait le sentiment d’une déchéance. Elle essaya de se justifier :