Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/273

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taient les lamentations. Nour-el-Eïn, soulevant son buste, vit distinctement à travers la balustrade et dans l’étroit espace qui séparait la maison de Mahmoud de celle d’Abd-Allah, douze femmes éclairées d’une lanterne et assises sur une natte. Elles se tordaient les bras et se portaient des coups violents sur le crâne.

— Je ne viendrai plus, dit Nour-el-Eïn. Pendant une semaine je ne viendrai pas parce que les cris des pleureuses me rendraient folle. Quand la semaine sera passée, je reviendrai ; n’est-ce pas, mon chéri ?

— Oui, répondit-il, sans comprendre, se laissant bercer par la voix harmonieuse.

— Seulement, toi, tu rendras visite au cheik et je te verrai par la fenêtre et par la cloison de l’antichambre.

— Oui, je viendrai… oui… la cloison de l’antichambre.

— Tu es comme un enfant, Goha, comme un petit enfant…

— Tu es comme moi, la même chose…

— Comment la même chose ? Tu dis toujours des mots que je ne comprends pas…

Ils se turent. Goha avait la tête appuyée sur les seins de Nour-el-Ein. Elle était inquiète. Chaque fois que montait le cri des pleureuses, elle tressaillait et souvent se retournait brusquement, surprise par un bruit, attirée par une ombre.

La lune était basse, au ras des maisons, la brise venait par bouffées, irrégulière comme un halète-