Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/312

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Son poing s’abattit sur l’épaule de Goha et ce fut comme s’il suivait la trajectoire d’un coup déjà donné. Sous ce choc imprévu, Goha perdit l’équilibre et tomba les jambes en l’air. Il ne se débattit pas, se contentant de gémir faiblement :

— Mon cheik ! mon cheik !

El-Zaki s’attendait à une lutte. Ne rencontrant pas de résistance il recula. Avec la chute de son adversaire, sa colère était tombée. Goha ne bougeait pas. Guidé par un sûr instinct, il craignait un nouvel assaut. Ils restèrent ainsi l’un debout, l’autre les jambes en l’air. Soudain le ridicule de la scène apparut à Cheik-el-Zaki.

— Redresse-toi ! redresse-toi ! cria-t-il, aidant Goha à se rasseoir d’un geste d’autant plus précipité qu’il entendait dans l’escalier les pas d’un esclave.

Ibrahim se présenta un plateau à la main et leur offrit le café.

— Prends ! prends ! dit El-Zaki avec impatience.

Goha s’empressa de se servir, croyant calmer El-Zaki qu’il surveillait d’un œil craintif. Il n’osa pas boire plus de la moitié de la tasse et la rendit à Ibrahim en bredouillant deux ou trois sons inintelligibles. C’étaient les compliments d’usage qui s’étouffaient dans sa gorge. Ibrahim était sur le point de sortir quand El-Zaki le rappela pour lui demander si Mabrouka avait reçu ses paquets.

— Elle les avait apportés avec elle, Sidi.

Les deux hommes se retrouvèrent seuls, face à face. Une foule d’images hantaient El-Zaki. Il se rappela le jour où, revenant des funérailles de