Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/325

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— Bagba, répondit-elle avec un soupir, Bagba restera avec Sidi Mahmoud.

En s’inquiétant du perroquet, Goha espérait que Hawa songerait à l’enfant. Il chercha vainement une allusion plus directe.

— Tu n’as rien mangé, s’écria Hawa tout à coup, tu dois avoir faim, mon chéri !

— Non, ma nourrice, dit-il, je suis content, je n’ai pas faim.

La négresse, incrédule, tira de sa poche un morceau de sucre candi dont elle avait toujours soin de se munir.

— Tiens, dit-elle, croque cela et avant que le soleil ne se couche, je le jure par Allah ! tu auras un plat de riz et des tripes de mouton.

Ils entendirent soudain un appel et virent Kellani qui courait après eux tout essoufflé. Il tenait le nouveau-né dans ses bras.

— J’avais oublié ma fille, dit Hawa tranquillement.

— Une mère n’oublie pas son enfant, répondit Kellani. Tu m’as obligé à courir depuis la maison, moi qui suis vieux ! Tu n’as pas honte ?

— Est-ce que vous n’auriez pas pu le garder et l’élever ? Est-ce que ce n’est pas la fille de Goha ?

— Ne renie pas ce que Dieu t’a envoyé, répliqua sévèrement le vieillard. Il n’y a qu’une chose qui puisse effacer ton péché, c’est d’élever l’enfant du péché dans la crainte du péché.

Et le vieillard s’éloigna.

— Voilà ! dit Hawa d’une voix irritée, ils nous ont donné l’enfant. Il va falloir la nourrir, l’habil-