Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/346

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec des blocs de feu… Elle avait peur… Elle disait regarde ! regarde ! Et moi j’étais content…

Leurs visages mouillés de larmes s’étaient rapprochés. Mais Amina rougit, baissa les yeux et s’écarta. Goha ne fit rien pour la retenir. La voix de Hawa le tira de sa rêverie.

— Goha, cria-t-elle, ne t’en va pas… Je te prépare des fèves.

— Bien, ma nourrice.

Il prit son chapelet et se mit à l’égrener. Par moments, la voix de sa nourrice venait jusqu’à lui :

— Je ne sais pas ce qu’a mon feu, disait-elle, il s’éteint tout le temps.

Elle chantait, se taisait, allait et venait de son pas pesant. Soudain, elle poussa un cri :

— Là ! j’en étais sûre… J’ai renversé les fèves… Naturellement, je dois tout faire, tout faire… Chacun me donne le mauvais œil pour ma gallabieh, pour mes clients… Dans ces conditions les choses doivent aller de travers…

Ces préparatifs avaient excité l’appétit de Goha.

— Hawa, demanda-t-il, est-ce qu’on mangera bientôt ?

— Manger ? répondit-elle avec humeur… oui ! je dois penser à tout… Non ! tu ne mangeras rien.

Dix minutes après, elle appela Goha.

— Prépare-toi ! je t’en réchauffe d’autres.

Il se levait pour la rejoindre quand Sayed, accompagné d’un vieillard, apparut à la porte d’entrée. Intimidé, ne sachant où fuir, Goha demeura sur place et il s’aperçut que ses mains le gênaient.