Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/350

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Elle attendit une réponse, le buste penché, exprimant ainsi sa bienveillance hautaine. Goha hésitait. Sa physionomie était étrangement tourmentée. Depuis son arrivée dans le quartier, il avait perdu la fraîcheur de son teint, sa jeunesse. Il était presque laid maintenant.

— Ma nourrice, dit-il d’une voix ardente, je ne peux pas !

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— Je ne peux pas, répéta-t-il en s’appliquant la main sur la poitrine. Ce que tu me demandes est impossible… Impossible… Je ne peux pas.

La négresse ne reconnut pas ce qu’il y avait de passionné, de profondément humain dans cet aveu. Elle sourit avec dédain et répondit d’un ton solennel :

— Je vois, Sidi, que tu ne changes pas. Ah ! Hadj Mahmoud avait raison… Enfin la volonté d’Allah est impénétrable… Je n’ai qu’une parole à te dire : obéis-moi et tu t’en trouveras bien… ne m’obéis pas et alors… alors…

Elle fut incapable de conserver cette attitude méprisante qu’elle jugeait seule digne de sa nouvelle condition. Laissant libre cours à sa nature, elle s’écria :

— Et puis, en voilà assez !… J’ai pitié de toi, mais tout a des limites… Tu salueras mes clients convenablement, ou je t’écraserai comme une mouche. Entends-tu, imbécile ? comme une mouche, et Sayed se chargera de la besogne !

Elle ricana :

— Ha Ha ! Sayed te balancera comme une