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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

heureuse. Mais une tradition d’effort lui interdit ce jeu d’expansion naturelle.

Dans son harem végétaient quelques femmes sans attrait : Mabrouka, son épouse depuis vingt ans et des esclaves dont il avait dédaigné la virginité. Il résolut une nuit d’approcher ces dernières. Sur son ordre, Ibrahim, l’eunuque, les amena dans la bibliothèque où il avait coutume de se tenir. Il les vit s’avancer haletantes. Le caprice de leur maître les épouvantait. Durant des années, elles avaient fiévreusement attendu de s’immoler dans ses bras et lorsqu’elles virent leurs seins s’allonger et leur taille s’épaissir, énervées par l’abstinence et désespérant d’être prises, elles s’étaient données à des ouvriers du voisinage. Cheik-el-Zaki étudiait tranquillement leur visage grimaçant, sans se douter de leur angoisse. Il les trouva laides et vulgaires, et, d’un geste, les congédia.

De belles Syriennes étaient offertes sur le marché ; il s’y rendit aussitôt. Sur des tapis de Smyrne, des jeunes filles nues étaient exposées. Cheik-el-Zaki en marchanda quelques-unes distraitement. Une enfant aux jambes fines, aux hanches larges, attira son attention. Sur un signe du marchand, debout à ses côtés, elle prit des poses lascives. Le philosophe qui avait surpris ce manège détourna la tête et s’éloigna. Au contact de ces créatures éduquées exclusivement pour donner à l’homme la joie des sens, il comprit qu’il recherchait dans l’amour autre chose que le grossier assouvissement d’un désir.