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INSTRUCTION CHRÉTIENNE (FRÈRES DE L')


au repentir et des abris à la prière par l’appui qu’il donne et les encouragements qu’il prodigue aux Filles de la Croix et aux Dames du Refuge.

Pendant les deux années (1823-1824) qu’il occupe le poste de Vicaire Général du prince de Groy, Grand Aumônier de France, il fait nommer quarante évêques « attachés de tout cœur aux doctrines du Siège apostolique » et refuse pour lui jusqu'à dixsept fois les honneurs de l'épiscopat.

Rendu à la Bretagne, par la création, en août 182^, d’un ministère des Affaires ecclésiastiques, Jean-Marie de La Mennais établit la Société des Prêtres de Saint-Méen dont il est nommé supérieur par Mgr de Lesquen, évêque de Rennes. Cette société se transformait quelques mois plus tard pour devenir la Congrégation de Saint-Pierre, qui se proposait un triple but : « l'éducation, soit laïque, soit cléricale, de la jeunesse dans les collèges et les séminaires ; — l'évangélisation du peuple par les missions et les retraites ; — la défense de la Foi par la plume, la parole et la préparation d’ouvrages apologétiques, « les doctrines romaines devant être la règle invariable de l’ordre et de ses membres en ce qui tient à la Religion ».

Ce programme eut bientôt groupé autour de Jean Marie de La Mennais et de son frère Féli une élite d’hommes et de jeunes gens qui devaient mettre au service de l’Eglise, des âmes et des lettres, une plume aussi courageuse qu’exercée : Gerbet, Rohrbacher, de Hercé, de la Provostaye, Eugène et Léon Bore, Eloi Jourdain (Sainte-Foi), Chavin de Malan, Blanc, Combalot, Xavier Quris, Houët, Jules Morel, etc.

Les erreurs et la révolte de Féli de La Mennais, les tenaces et impitoyables rancunes d’un gallicanisme aux abois, d’aveugles préventions contre Jean-Marie de La Mennais amenèrent, vers la fln de 1831, la dislocation de la Congrégation de SaintPierre : elle avait vécu dix ans, assez « pour rendre aux études ecclésiastiques l’intérêt et la vie ».

Doué d’une remarquable puissance de travail, d’un goût très sûr, d’une imagination moins fougueuse et ardente que celle de Féli ruais mieux assujelie à l’ordre et à la discipline, d’une singulière vivacité et pénétration d’esprit, Jean-Marie de La Mennais possédait la plupart des dons qui font le grand écrivain : il n’a cependant jamais ambitionné ia gloire et le titre d’auteur : c’est la seule signature de Féli que portent les « Réflexions sur l'état de l’Eglise en France pendant le xvni » siècle et sa situation actuelle », le « Guide spirituel » ou a Miroir des âmes religieuses » (1809), la « Tradition de l’Eglise sur l’insliiulion des évêques », 3 vol. (1 Si ', ), « L’Imitation de Jésus-Christ, augmentée de réflexions à lafln de chaque chapitre » (1820), Aphorismata (1825), le « Guide du Premier âge » (1816).

Si ces œuvres sont le fruit d’une intime et fraternelle collaboration, où l’apport de chacun est difjflcile à discerner, on admet toutefois généralement que les « Réflexions sur l'état de l’Eglise », la 1 Tradition t et les « Aphorisraata » appartiennent surtout à Jean. Les « Réflexions » dressent un programme de réformes à réaliser pour restituer au clergé son influence, rendre à l’Eglise la direction sprits et conlrebaltre les principes révolutionnaires : conciles provinciaux, synodes diocésains, retraites ecclésiastiques, missions dans lesparoisses, retour à la philosophie scolastique. La « Tradition de l’Eglise sur l’institution des évêques », « solide traité », « ouvrage digne des Bénédictins dei grands siècles, ('ans son ensemble très orthodoxe, très Bavant, tout à fait à propos contre les erreurs du gallicanisme » (Darras), était un acte do courage,

Tome IV.

puisqu’elle opposait à l’omnipotence de Napoléon l’universalité de la puissance spirituelle du Pape, — et aux prétentions des gallicans le dogme de l’infaillibilité pontilicale.

II. Œuvre scolaire.

« Carnotest le véritable fondateur de notre œuvre »,

aurait un jour déclaré Jean-Marie de La Mennais. Ce fut, en effet, d’un rapport de Lazare Carnot à Napoléon sur l’organisation de l’enseignement primaire que naquit l’idée première de V Institut des Frères de l’Instruction Chrétienne. Ce rapport, travail remarquable, étudié avec beaucoup d’attention par Jean-Marie de La Mennais, fut pour lui un programme d’action et l’annonce des luttes prochaines qui se livreraient, dans l'école et par l'école, autour de l'àme de l’enfant. Carnot préconisait l’emploi de la méthode lancastérienne, — et Jean-Marie de La Mennais avait jugé cette méthode et compris qu’elle était essentiellement laïque d’inspiration, qu’elle tendait à exclure l’idée surnaturelle de l'éducation et à chasser Dieu de l'école. Ses appréhensions, ' ses craintes, ses sévérités, il les résume dans une vigoureuse brochure, parue en 1819, et intitulée : « De l’enseignement mutuel ».

Les débuts des Frères de l’Instruction Chrétienne furent bien humbles : à Saint-Brieuc, trois paysans qu’en septembre 1817 Jean-Marie de La Mennais admet à partager sa table et à loger sous son toit et auxquels il enseigne, avec les éléments de la religion, la lecture, l'écriture et le calcul ; à Auray, au diocèse de Vannes, cinq jeunes gens illettrés recueillis au presbytère, bientôt transformé en noviciat, par l’abbé Deshayes et qui, à l’heure des classes, se rendent à l'école des Frères de La Salle.

Jean-Marie de La Mennais et l’abbé Deshayes avaient travaillé àl’insu l’un de l’autre, inspirés par une même idée, poursuivant un but identique. Une rencontre providentielle les rapprocha, el, le 6 juin 1819, il signèrent une convention qui décidait la fusion de leurs œuvres, en accordant aux deux fondateurs des droits égaux sur toutes les maisons et une égale autorité sur tous les sujets. « Conception extravagante » du seul point de vue humain, imaginée par deux âmes d’un absolu et surnaturel désintéressement, qui persistera vingt ans, jusqu'à la mort de l’abbé Deshayes en 18'|i, sans modification, sans provoquer ni conflit, ni heurt.

En mai 1821, l’abbé Deshayes, qui venait d'être élu supérieur général des Pères de la Compagnie do Marie et dos Filles de la Sagesse, quittait la Bretagne. Avant de se séparer, les deux fondateurs avaient présidé la retraite des Frères, choisi Dieu .seul pour devise du nouvel institut et procédé à une répartition de leurs sujets : l’abbé Deshayes emmenait avec lui dix des quinze jeunes gens du noviciat d’Auray.

Désormais, les Frères places en Bretagne seront, en fait, sous la seule obédience de 'Jean-Marie de La Mennais : ils l’appelleront leur a Père », et on les nommera, eux, indistinctement ; Frères de l’Instruction Chrétienne, Frères de La Mennais, Frères de Ploérmel.

Le programme de Carnot avait convaincu JeanMarie de La Mennais de l’urgence d’agir, sur tous les points de la Bretagne : il créera donc, sans retard, quelques écoles urbaines qui seront d< s centres de ralliement pour les maîtres, — et il multipliera les écoles rurales : de là, l’idée, aussi neuve que hardie, du Frère placé seul, commensal du cur< ;, travaillant sous ses ordres et reconnaissant en lui son supérieur local.

La nature, le but et l’esprit propre du nouvel in 65