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MONITA SECRETA


tribueront ostensiblement aux indigents, ce qui fera bon effet etaltirera des biens plus considérables. Ils caclieront soigneusement l'état réel des biens de la Compagnie. Ils n’achèteront rien que sous des noms d’emprunt, afin de sauvegarder les dehors de la pauvreté.

Surtout ils s’arrangeront pour circonvenir les veuves riches. Trois chapitres (vi, vii, vin) sont consacrés à cet intéressant sujet, les plus amusants de la série. Des Pères âgés, mais d’humeur enjouée, seront députés à ce ministère délicat. Ils visiteront ces personnes ; ils leur vanteront l’ctaj. de viduité. Ils éloigneront d’elles tout ce qui leur donnerait l’idée malencontreuse de se remarier. On leur composera une domesticité de gens dévoués aux jésuites. Malades, on leur enverra quelque médecin sûr, de sorte que, en danger de mort, les Pères soient avertis… Le confesseur les amènera à multiplier les oeuvres profitables à la Compagnie. Bref, on ne les perdra pas de vue qu’on ne les ait complètement dépouillées. Ont-elIe5 des enfanls ? on les exhortera à pousser les filles au couvent, et les fils seront accaparés par la Société, et, avec les fils, l’héritage.

Après la richesse, la faveur des princes. Il faut savoir flatter leurs penchants, par exemple leur goût pervers pour les mariages à des degrés prohibés ; s’immiscer dans leurs querelles pour avoir l’honneur et l’avantage de les apaiser ; acheter leurs familiers qui renseigneront sur les humeurs et inclinations des maîtres. Au confessionnal on sera indulgent ; jamais on ne se permettra de leur fairela leçon en chaire. On saura leur recommander, pour les pousser aux charges publiques, les amis de la Société. Ce sera avancer les affaires de l’Ordre que de se faire confier des missions auprès des princes voisins et des grands monarques. Les supérieurs, le trait est à noter, mettront à la disposition des princes des casuistes relâchés. Quant aux prélats, curés, dignitaires ecclésiastiques, le moyen de les gagner, c’est de leur rendre de grands honneurs, les entourer de considération, les édifier par des exercices spirituels : on arrivera ainsi à mettre la main sur les prieurés, paroisses, bénéfices, fondations.

Bref, pour procurer le bien temporel de la Compagnie, tout est sacrifié, Dieu et les hommes, l'âme et le ciel, et tous les moyens sont bons, fraude, mensonge, (lagorneries.

L’autour avait drainé les préjugés, cancans, racontars, médisances qui peuvent courir dans une population mi-catholique, mi-protestante, comme était la Pologne. Laissant habilement de côté les grosses Calomnies, assassinat, empoisonnement, lyrannicide chers aux pamphlétaires protestants, il s’en était tenu à quelque chose de modéré, d’humain. Peu Importait que l’ensemble fût invraisemblable. Il n’y avait, dans les détails, rien qui put choquer des gens prêts à l’avance à tout accepter contre les Jésuites, à condition de ne pas dépasser certaines limites.

II. Origines et auteur. — D’où venait le texte ? Nous avons dit ce qu’a (Urine l'édition princeps : manuscrit espagnol, arrivé en Pologne par l’Italie et par Vienne, et, en roule, traduit en latin. Cette version parut trop peu intéressante à certains éditeurs. Le célèbre « gladiateur des lettres », comme on l’a appelé, Gaspard Scopp, ou Scioppius, en 1632, oubliant complètement ce que disait le texte de i G 1 4 > contait ceci :

Il y a quelques années, Christian, duc de Brunswick, soi-disant évoque d’Halbcrstadt, ayant pillé le collège des Jésuites à Paderborn, fit don de leur bibliothèque et de leurs archives aux Capucins. D’autres, sans plus s’occuper des dates, remplacèrent

Paderborn par Prague, dont le pillage par les Saxons n’est que de iG34. On parla également de Liège, de Gand, d’Anvers. On imagina que des Hollandais avaient découvert le manuscrit à bord d’un vaisseau qui faisait le commerce des Indes pour le compte des Jésuites, ou encore qu’un capitaine prussien l’avait pris aux archives jésuitiques de Glalz, ou encore qu’il venait d’une cachette pratiquée dans la cloison d’un galetas au collège d’Heidelberg. Il y a mieux : c’est de la Propagande qu’il venait, et il en parut une édition portant la rubrique : Huma, tipografie dclla Propaganda, con permissione.

L’auteur ne resta paslongtemps inconnu. Les soupçons s'égarèrent d’abord sur un calviniste. Mais un détail devait mettre sur la bonne piste, l’insistance avec laquelle étaient justifiés ceux que la Compagnie avait congédiés. Ils n’avaient été chassés que pour des motifs parfaitement honorables, et, une fois mis dehors, étaient avec acharnement poursuivis par leurs anciens confrères (eh. x, xi, xii, etc.). Une enquête ordonnée par la curie épiscopale permit de préciser, et Jérôme Zahorowski, ancien Jésuite, sorti de l’Ordre en 1613, présentement curé de Gozdziec, fut cité au tribunal de l’Inquisition. Il nia tout, déclare n’avoir aucun grief contre la Compagnie, et on la laissa tranquille.

Mais les Jésuites avaient des raisons sérieuses de maintenir leurs soupçons. Zahorowski n’en était pas à sa première aventure. On raconte que, entiché de sa noblesse, vaniteux, ayant échoué dans ses études, humilié de rester simple professeur de grammaire, pour se venger, il avait dicté à ses écoliers des lettres que ces petits ne comprenaient pas, mais pleines d’accusations graves contre son Ordre (On aimerait bien à avoir ces lettres et à les comparer au texte des M. S.). Il commit la maladresse d’en confier un paquet au recteur de Lemberg, le P. Wielewicki, le priant de les faire parvenir à leur adresse. Sans défiance, le recteur fit la commission. Mais bientôt les destinataires arrivaient au collège, demandant des explications. Le secret fut éventé. Les petits secrétaires reconnurent leur écriture, et l’indigne régent fut congédié sur l’heure (1613). C’est le P. Wielewicki lui même, qui, dans le journal de la maison professe de 1 Cracovie, nous a révélé le nom du faussaire (flisloricnm diarium domûs professas Cracoviensis Soc. Jesit, ab anno 1519 ad 1637, t. VII, X et XIV des Scripiores sérum Polonicarum, 1881-86-89).

Tout de suite, los Jésuites avaient répondu. En 1 G j 5 avaient paru les Monita Salutaria data anonymo autori, œuvre du P. Bembo. Le pamphlet avait été condamné à Cracovie par l'évoque, en attendant de l'être à Borne par l’Index (iGi(> et 1621). Tant que l’auteur vécut, les Jésuites s’abstinrent de le nommer. Mais leurs apologistes, le rude Gretzer surtout, faisaient clairement entendre qu’ils le connaissaient, (n Le renard se dissimule… 11 croit qu’on l’ignore ? Pas tant que cela ! » ) On savait les secours en argent qu’il recevait d’un certain duc, ses larges beuveries, et jusqu’au nom de sa bière favorite. Jacobi Gretseri S. I. theologi, contra famosum libellant cujus inicriptîo est Monita privata S, J., etc. libri apologetict. Opéra omnia, t. XI. Au xviii c siècle seulement, lors d’une reprise de polémiques, le nom de Zahorowski fut prononcé. Aujourd’hui, chez ceux qui veulent bien examiner l’affaire avec tant soit peu d’indépendance critique, la version de l’ancien recteur de Lemberg s’est généralement imposée

III. La fortune du pamphlet. -Zahorowski, nous dit-on, se repentit avant de mourir. Mais il n'était