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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/140

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APOTRES (ACTES DES)

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compagnon de Paul : on peut s’en convaincre en lisant p. ex. Act., xiii, 38 ; xx, 28.

L’examen interne du livre des Actes conduit donc à des conclusions en parfaite harmonie avec les données de la tradition. Pour nier ces conclusions, il faudrait des motifs bien graves. On croit les avoir trouA-és cependant. Les Wirstiicke marquent, dit-on, pour le style, le vocabulaire et la pensée, un certain contraste avec le reste du livre ; il y aurait, en dehors des Wirstiicke, telles narrations et telles conceptions qu’il serait impossible d’attribuer à un compagnon de Paul ; on pourrait même démontrer que les sections où l’auteur parle à la première personne, ont été insérées et retravaillées par un écrivain postérieur qui se servit de ces notes pour la composition de son livre. Ces raisons prouveraient que la tradition aurait généralisé indûment : fauteur d’une source des Actes serait devenu l’auteur du livre tout entier.

Remarcjuons d’abord, avec le P. Rose (Les Actes des Apôtres, p. ix), combien il serait invraisemblable ffue la tradition ancienne et constante sur Tauteur du troisième Evangile et des Actes « ait pour unique point de départ une collaboration très restreinte (de Luc) au livre des Actes, ou plus exactement, l’usage qu’un écrivain anonyme devait faire plus tard, à son insu, de quelques feuillets qu’il avait couverts de notes pendant les voyages de l’aiîôtre…)> D’ailleurs un examen plus attentif prouve que les raisons alléguées en faveur de cette hypothèse sont dénuées de fondement. M. Harnack a soigneusement comparé au point de vue philologique les Wirstiicke avec les autres narrations des Actes et avec le style du troisième Evangile ^ L’analogie enti-e les deux termes de la comparaison lui a paru si grande qu’il en a conclu à l’identité d’auteur. Dans l’hypothèse contraire, l’auteur des Actes n’aurait guère retenu des notes de Luc que l’emploi de la première personne : tout le reste aurait été changé.

L’argument sur lequel insistent spécialement tous ceux qui rejettent l’opinion traditionnelle sur l’auteur des Actes, est basé siir la comparaison de Act.. xv, 1-29, avec Gal., ii, i-io. (Voir p. ex. E. SchiIrer, Tlieologische Literaturzeitung, 1906, p. ^oô-^oy.) Il serait impossible, dit-on, de concilier ces deux récits. Un compagnon de Paul ne peut donc pas avoir écrit le premier. On ne comprendrait pas non plus que Luc ait pu attribuer à la réunion de Jérusalem un décret que Paul exclut tout au moins par son silence.

On a proposé différentes réponses à cette objection. Une théorie, qui a gagné d’assez nombreux partisans, ne rapporte pas aux mêmes événements les deux narrations Gal., 11, et Act., xv : les événements racontés au chapitre 11 de l’Epître aux Galates, n’auraient eu que très peu de publicité et auraient précédé le Concile de Jérusalem. Il n’y aurait donc aucune opposition entre les deux récits. (V. Weber. Die Abfassung des Galaterhriefs’or dem Apostelkonzil, 1900 ; J. Belser, Einleitiing in das X. T., 1901, p. 438 ; Mgr Le Caml’s, LŒuvre des Apôtres, vol. II, p. 94-170.) Cette solution nous paraît inadmissible. Car, dans les deux narrations, il est question de la même controverse, l’obligation de la loi mosaïque povir les païens convertis ; les personnes qui jouent un rôle dans la délibération sont encore les mêmes : Pierre et Jacques, — Paul — et les Judaïsants ; enOn la solution principale est la même : les païens convertis ne devront pas observer la Loi. Admettra-t-on que la question de la Loi pour les païens convertis

1. Luhas., p. 19-60. Ici, comme pour la preuve du « langage médical » , il n’est pas possible de reproduire l’argumentation, dont la valeur dépend Je l’abondance des détails.

ait été deux fois l’objet d’une délibération publique des Apôtres, à Jérusalem ? Une première décision n’était-elle pas suffisante ?

Nous pensons donc que les deux récits, celui de Paul et celui de l’auteur des Actes, se rapportent aux mêmes événements ; nous estimons aussi que le dernier ne contredit pas le premier. Les multiples différences entre les deux i-écits peuvent s’expliquer par le but différent des deux auteurs et les circonstances dans lesquelles ils écrivaient. Luc, écrivant après l’apaisement des controverses juives, voit les choses du dehors et décrit la grande réunion publique. S. Paul, écrivant sa lettre au milieu des difficultés, rapporte certains détails personnels et insiste surtout sur la reconnaissance de son apostolat. Enfin, pour comprendre l’omission par Paul, dans l’épître aux Galates, des quatre stipulations du décret des Apôtres, on se rappellera que ces stipulations ne sont pas la partie principale de la solution. Celle-ci consistait, avant tout, dans la non-obligation de la Loi pour les convertis d’origine païenne. Un disciple de Paul peut donc avoir écrit le chapitre xv des Actes’.

Il nous resterait encore à examiner si les Wirstiicke apparaissent comme ayant été retravaillés et insérés dans les Actes par un auteur postérieur. Pour le prouver, on cite certaines anomalies dans la seconde partie des Actes. La principale se rencontre dans l’histoire de la délivrance de Paul emprisonné à Philippes. Act., -K.xi, 25-34, dit-on, serait une addition d’un auteiu" postérieur en quête de miracles, et la scène serait présentée au surplus d’une façon tout à fait invraisemblable. Au fond, cette argumentation repose sur la peur du miracle. Un disciple de Paul admettait évidemment le surnaturel, et si la scène noctiu’ue dans la prison de Philippes ne nous est pas décrite avec toute la précision désirable, on ne peut en conclure cependant que la narration ne puisse avoir été écrite par un disciple de Paul qui fut lui-même à Philippes à ce moment. D’après Harnack (Zî^Aas, p. 80), il serait impossible de recourir, pour la solution de la difficulté, à une interpolation, tellement ces récits manifestent le style de Luc.

Les témoignages et la critique interne s’accordent donc à prouver que’Luc, le médecin grec, le compagnon de Paul, a composé, non seulement les Wirstiicke, mais tout le livre des Actes.

Nous n’apprenons malheiu-eusement pas avec une égale certitude le lieu et la date de composition du livre. Sur le premier point nous renonçons même à émettre aucune hypothèse. La date de composition

1. Consulter, sur l’exposé, dans les^Actes, de la controverse judaïsante : J. Thomas, L’Eglise et les Judaïsants à l’âge apostolique^ Rei’ue des Questions historiques, octobre 1889, avril 1890 ; H. Coppieters, Le Décret des Apôtres, Rei’ue biblique, janvier et avril 1907. Sur ce même sujet M. Harnack [Lukas…, p. 89-96), a quelques remarques très intéressantes.

Dans son dernier ouvrage sur les Actes des Apôtres, M. Harnack (Die Apostelgeschichle, 1908, p. 188-198) s’est rallié à une solution radicale de la difficulté. Il admet l’authenticité de la leçon occidentale du décret (trois prohibitions : idolothytes, sang, fornication, et précepte de charité) et considère le décret comme un catéchisme moral. Les Apôtres auraient déclaré que les païens convertis étaient délivrés du joug de la Loi, mais qu ils devaient s’abstenir des festins sacrés des païens, d’homicide et de fornication. Dès lors le silence de Paul dans l’épître aux Galates se comprend parfaitement ; il avait le droit de s’écrier que les Apôtres ne lui avaient pas imposé de nouvelles obligations. Les arguments que fait valoir A. Harnack en faveur de cette solution nouvelle et qui sont empruntés en bonne partie à la monographie de G.Resch (Das Aposteldecret nach seiner ausserkanonischen Textgestalt, 1905) ne paraissent pas convaincants.