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APOTRES (SYMBOLE DES]


Où saint Jérôme a-t-il pris ce formulaire ? Il avait beaucoup voyagé ; il avait traversé l’Asie Mineure, visité la Palestine. Il a pu emprunter aux églises de ces divers pays le Credo qu’il adresse ainsi à l'évêque de Jérusalem (Ep. xvii, n" 4). Mais il a pu aussi bien le tirer de son pays d’origine, la Pannonie. Et nous voici revenus à la péninsule des Balkans. Nous trouvons donc dans cette région, traversée par la grande route qui faisait communiquer l’Orient avec l’Occident, des symboles étroitement apparentés au Textiis receptiis.

Saint Colomban a-t-il pu en avoir connaissance ? Rien d'étonnant que les symboles de Xicétas et de saint Jérôme se soient propagés vers l’ouest et aient atteint le Xorique, la Rhétie et le nord de l’Italie. De son côté, saint Colomban, après avoir évangélisé la Bourgogne, lit route vers l’est. On le voit à Bregenz ; il laisse son disciple saint Gall sur les bords du lac de Constance, et finit par s'établir à Bobbio, où il mourut. Qu’il ait rencontré dans ses missions le Credo romain transformé et augmenté, qu’il l’ait adopté, enrichissant ainsi son formulaire d’origine irlandaise et romaine, cela ne saurait encore trop nous surprendre.

Justement le Missel de Bobbio, plus connu sous le nom de sacramentaire gallican, donne quelque vraisemblance à cette hypothèse. C’est un manuscrit du vue siècle (Ms. 18246, fonds lat. de la Bibliot. nationale, Paris). Il contient une liturgie romaine dans son fond, la liturgie que Rome avait communiquée à la Grande-Bretagne au ve siècle, qui s'était fort bien conservée dans l’Eglise celtique, et qui parvint à Bobbio enrichie sans doute par les soins de saint Colomban. Le sermon qui a trait à la Traditio srmholi rappelle par certains caractères, notamment par l’ouverture des oreilles, le rite romain. Mais le Credo (il en a plusieurs) qui représente la forme usitée à Bobbio avant l’an 700 est presque exactement notre texte reçu. On est donc porté à croire que saint Colomban, ou l’un de ses disciples, a donné au symbole romain primitif sa forme déûnitive.

Ce n’est là évidemment qu’une hypothèse et qui ne saïu-ait forcer la conviction. Le Textiis receptus contient en effet, au septième article, une apposition caractéristique qui semble provenir de l’Espagne.

« Tout-Puissant » . Nicétas de Remesiana dit : « à la

droite du Père » ; saint Jérôme : « à la droite de Dieu le Père » . Il semble que le mot « Tout-Puissant » n’a dû s’introduire dans le symbole que par l’intermédiaire de la Gaule.

La Gaule serait-elle donc le pays d’origine du texte reçu ? Plusieurs raisons invitent à le penser. Les communications établies entre l’Orient et l’Occident par la voie du Danube ou les Balkans n’ont pas dû s’arrêter à la Haute-Italie. Entre Milan et le royaume d’Arles, les relations ne furent jamais interrompues. Les symboles de Nicétas et de saint Jérôme, ou leui-s dérivés, ont pu pénétrer de la sorte en Gaule. Et de fait, au v' et au vie siècle, Fauste, évêque de Riez, Césaire, évêque d’Arles, tous deux disciples du monastère de Lérins, nous offrent des Credo étroitement apparentés au Textus receptus. Hahn, p. 70-72. Il ne manque au symbole de Césaire que les appositions : « Créateur du ciel et de la terre » : au premier article, et u Dieu tout-puissant). au septième.

« Tout-Puissant » , nous l’avons dit, pénétra aisément

d’Espagne en Gaule ; « Créateur du ciel et de la terre » aurait dû venir de l’Orient avec le reste. La difliculté est de fixer la date où il fut inséré dans les Credo de la Gaule. Sa présence n’y fait plus de doute aux environs de l’an 700. Le Missel gallican, qui est de cette époque, contient un sacramentaire de provenance auxerroise, cf. Burn, The Jposlles Creed, p. 50, où

se lit le Texte reçu en entier, sauf les mots : n est descendu aux enfers >. Les sermons 2.41 et 242 du pseudovugustin (cf. Burn, Introduction, p. 235-238), qui commentent le Texte reçu, remontent à la même date et paraissent avoir une origine gallicane.

Tout cela ne prouve pas que le Textus receptus se soit formé en Gaule, mais, au moins, rend l’hypothèse de cette origine assez vraisemblable.

Ce qui est sur, c’est qu’au début du viiie siècle, le nouveau texte prit une grande extension, grâce sans doute à saint Pirmin et à saint Boniface, grâce aussi à la papauté.

Saint Pirmin était vraisemblablement un moine irlandais qui, après avoir traversé la Neustrie, vint fonder en Germanie l’abbaye de Reiclienau. Cf. Acta SS., novembre, t. I, 1, p. 33. Son ouvrage, le Scarctpsus, Migne, Pat. lut., t. LXXXIX, col. 1029, contient le texte authentique le plus anciennement daté du Credo reçu.

Il resterait à savoir de qui le grand moine missionnaire tenait son formulaire. L’a-t-il emprunté à la Gaule qu’il traversa ? M. Burn incline à penser qu’il le reçut par une autre Aoie. Il le montre en relations avec saint Boniface, dont il était l’ami, et qui prenait son mot d’ort'.ie à Rome. Parmi les documents que le pape Grég.ùre II envoya sur les bords du Rhin, se trouvait un Credo romain pour le baptême. Il est naturel de penser qu’il comprenait un Credo baptismal. Or, si on en juge par un manuscrit qui provient de Freisingen, cf. Bui-n, Tlie Apostles Creed, p. 00, cette église fondée par saint Boniface, évangélisée par saint Pirmin, possédait vers le milieu du viiie siècle le Textus receptus. C’est donc par Rome que les missionnaires irlandais auraient été mis en possession du nouveau texte du Credo.

Cette hypothèse, qui n’est pas sans vraisemblance, soulève un autre problème à peu près insoluble. Nul ne saurait dire comment et à quelle date Rome s’est approprié le Textus receptus, ni si elle l’a tiré de Bobbio ou de la Gaule.

Du moins savons-nous que l’influence bien sensible de l’Eglise romaine sur les autres églises d’Occident, à partir du viiie siècle, assura l’insertion progressive, quoique lente, du texte nouveau dans la liturgie de la chrétienté latine tout entière. A la fin du vuie siècle Charlemagne, adressant aux évêques de son Empire une série de questions, leur demanda, entre autres choses, quelle était la forme du Credo en usage dans leurs églises. Quelques-unes des réponses qu’il recueillit nous sont parvenues, notamment celle d’Amalaire de Trêves, qui est d’une extrême importance. Nous y apprenons qu’Amalaire, non seulement se servait du Textus receptus, mais encore que VOrdo dont il usait pour le baptême était VOrdu ronuiin. Ep. ad Carolum Mag. Imperat., dans Alcuini, Opéra, éd. Frobenius, 1 777, t. II, vol. 1, p. 622 ; cf. Hahn, p. 100. A partir de Charlemagne, notre Credo n’a plus d’histoire.

BiBLioGRAruiE. — Baliffol, article Symbole des Apôtres dans Dictionnaire de théologie catholique, Paris, Lctouzey et Ané, t. I, col. 1660-1678 ; S. Baiimer, Das apostolische Glauhensbekenutniss, seine Gescliichte undseiue luhalt, Mainz, 1898 ; A.E. Burn, An Introduction tu the Creeds, London, 1899 ; The Textus receptus of the Apostles Creed. dans The Journal of Theological Studies. juillet 1902 ; The Apostles Creed, coll. Oxford Church Text Books, London, 1906 ; Caspari, Ungedruckte und aenig beachtete Qucllen zur Geschichte des Taufsymbols und der Glaubensregel, Christiania, 1866, 1869, 1875 ; Al te und neue Cjuellen zur Geschichte des Taufsymbols, und der Glaubensregel, Christiania,