Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
285
286
ART


clives, jii’e ?iis. sefiex, — si sit feinina, — si visiones suas facile propalet. Assurément, ces sig-nes ne sont l)as tous également certains, et ils doivent être eux-mêmes appréciés avec une grande sagesse. Mais quand, après un examen des plus soigneusement faits, l’autorité ecclésiastique approuve ou du moins ne désapprouve pas la publication d’une apparition surnaturelle, on peut dire qu’il y a de très sérieux motifs en faveur du fait. L’Eglise ne permet, d’ailleurs, cette publication qu’après le jugement attentif de l’évéque diocésain. Le concile de Trente, dans sa XXV session, a porté là-dessus un décret fort précis. 4’Quelle utilité, nous demandera-t-on encore, peut-il y avoir dans ces visions et apparitions particulières, qui n’entrent pas dans le dépôt olliciel et dans le corps même de la doctrine catholique ?

— Nous répondrons que Dieu n’a pas seulement établi son Eglise ; qu’il la gouverne et l’aide incessamment par des secours ordinaires ou extraordinaires, entre lesquels il faut mettre au premier rang certaines apparitions éclatantes et fameuses ; qu’il ne s’occupe pas uniquement de l’ensemble des fidèles, du genre humain en masse et comme en bloc ; qu’il prend soin des âmes en particulier ; et que si beaucoup ne peuvent ou ne veulent pas proûter de ses grâces extraordinaires, ce n’est pas une raison pour que les autres en demeurent privés : la libéralité divine ne saurait être ici plus entravée que la liberté humaine. (Cf. iL Godinez, Pracfica de la tJteologia mystica, Séville, 1682 ; — Dom Schram, Institutiones theologiae mslicae, réédité à Paris. 18/|8 ; — J. Ribet, La Mrstifjue divine, Paris, 1879-1888 ; — Fr. Ivaulen, art. Eisclieiimng, dans le Kiichenlexicon de Fribourg, 1886.)

J. DlDlOT.


ART. — I. Valeur esthétique du sentiment religieux en général. — II. Transcendance du christianisme catholique en tant que valeur d art. — III. Objections et réponses. — IV. Etat actuel de l art religieux. Son avenir.

Au tribunal de l’art, la religion a été plus d’une fois sommée de comparaître. On peut demander si la pensée religieuse et en particulier la pensée chrétienne et catholique possède une valeiu-d’art ; si par quelque côté elle peut être jugée éti-angère ou antagoniste ; si elle a pour elle les faits, dans la longue carrière qu’elle a fournie, et à l’épreuve des contacts permanents qui se sont établis entre elle et l’art ou les artistes ; enfin si aujourd’hui, après les boiileversements survenus, les points de vue individuels et sociaux changés, la religion et ce c|ui dépend d’elle peuvent à ce point de vue être assurés encore de l’avenir.

I. — La valeur d’art du sentiment religieux en général est indiscutable. La religion est le lien qui rattache la créature humaine à la réalité mystérieuse dont elle se sent dépendre, elle et le milieu immédiat où elle plonge, et dont dépend par suite sa destinée. De son côté, l’art est une expression de rhomme, de tout l’homme, en y comprenant son milieu naturel et toutes ses attaches. La fraternité est évidente. Plongeant dans la nature pour trouver Dieu ; plongeant ensuite dans la mer intérieure de notre àme, moins étendue et plus profonde, on ne peut manquer de rencontrer la perle de l’art. A l’égard de la nature, le sentiment de l’homme religieux est celui-ci : La nature est le langage de Dieu ; elle en jaillit pour l’exprimer ; elle l’épèle, et chaque être en dit à sa manière une syllabe. De plus, la nature née de Dieu réalise ses vouloirs ; elle est son instrument, et ce qu’elle fait, c’est ce que l’Eternité décide. Or, de jeter

ainsi dans la nature tout le mystère de Dieu, de la faire palpiter en lui, de voir un drame divin dans les combinaisons gigantesques ou les intimités subtiles de ce travail par lequel la nature va à ses fins, n’est-ce pas ouvrir une source d’art inépuisable ? Qu’on lise la Bible, et qu’on se rende compte si dans les Psaumes, dans Job, dans le Cantique des cantiques et ailleurs, la plus merveilleuse poésie ne jaillit pas de cette pensée tant de fois répétée : Eternel, ton nom est magnifique par toute la terre.

Dans l’homme, la présence de Dieu éprouvée par le fait du sentiment religieux n’est pas moins d’une valeur inspiratrice supérieure. Voir dans la flamme légère de l’esprit un reflet de la pensée créatrice, dans notre volonté une collaboratrice des divins vouloirs, dans notre action une part des réalisations éternelles, dans nos désirs profonds comme un cri de Dieu à Dieu, de Dieu qui a besoin, en nous, à Dieu qui donne, quelle haute idée de notre existence n’est-ce pas concevoir ? Toutes les phases de la vie profiteront de cette surélévation de niveau esthétique. En se jetant lui-même au divin, l’homme religieux exalte en soi des sentiments dont le reflet est d’une incomparable valeur. « Des yeux levés au ciel sont toujours beaux » , a écrit Joubert. Ingres en avait fait la remarque : f( Toutes les religieuses paraissent belles, et je sais par expérience, disait-il, qu’il n’y a point dornement artificiel ou de parure étudiée qui puisse causer la moitié de l’impression que produit le simple habit dune religieuse ou d’un moine. » (Notes et pensées de M. Ingres, p. 128.) Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que même la laideur, même la difformité peuvent prendre sous ce reflet une qualité esthétique admirable. La passion transfigure tout, et cette passion divine qu’est le.sentiment religieux a certes plus que nulle autre de quoi illuminer un visage, hausser le ton d’une vie, de telle sorte que l’art y puisse trouv er son bien avec une supérieure abondance.

IL — Mais si toute religion a une valeur d’art, c’est à bon droit que le christianisme, et en lui le catholicisme peuvent aftirmer leur transcendance. Au point de vue du sentiment, la supériorité chrétienne tient à la loi d’amour qui, lien de tous les êtres en Dieu, donne à toutes choses un sens tout proche de l’émotion esthétique. Celle-ci est définie par tous les théoriciens modernes comme une sympathie. « L’art est une tendresse)>, a écrit Guyot. Rien donc ne peut pousser au développement de l’art ni enrichir l’inspiration comme une doctrine, une Aie dont l’universelle sympathie forme l’essence. Par ailleurs le sens de la vie s’afllrmant dans le christianisme comme une perspective d’avenir surhumain, l’individu y prendra sa valeur pleine ; il ne sera plus subordonné, et de même que par le christianisme la politique a retourné ses jrôles, l’individu n’étant plus pour l’Etat, mais l’Etat pour l’individu immortel, ainsi l’art, d’abord presque exclusivement sociologique dans le paganisme, comme l’a remarqué Taine, devient individualiste d’abord, et sociologique seulement par expansion de l’homme. On pourrait allirmer que dans les vues païennes, rindividu n’avait pour ainsi dire qu’un corps ; seule la cité avait une àme. En rendant à cluKiue individu la sienne, le christianisme crée une sommede valeurs éthiques et esthétiques innombrable. L’expression, telle est ici la grande conquête ; elle suflirait à justifier, par opposition à la pure beauté classique, Vinstaurare omnia in Christo dans son application aux domaines de l’art. Il faut y ajouter d’ailleurs tout ce que les sentiments chrétiens ont prêté de pur, de généreux, de sublime à l’expression de la vie. Ceux qui ne sentiraient pas qu’il y a là tout un monde entendraient inutilement la parole